Avant leur soumission à l’autorité française, les Ouled-Athia étaient administrés, par des chefs qu’ils choisissaient eux-mêmes. Chaque fraction avait un cheikh qui infligeait des peines d’après des coutumes ou des règlements arrêtés d’un commun accord entre les membres de la fraction. Voici un spécimen de ces règlements, conservé par la famille de Salah ben Sad ben Djamâ qui a été pendant longtemps caïd des Ouled-Athia.
Le texte en a été scrupuleusement reproduit d’après l’original.
La ville de Collo avait déjà fait alors sa soumission : les troupes françaises avaient eu, l’année précédente (18 avril 1843), un engagement sérieux avec les montagnards parmi lesquels se trouvaient au premier rang les Ouled-Athia; mais elles ne pénétrèrent sur le territoire de cette tribu, à l’ouest du Goufi, que plusieurs années après (juin 185).
La date du 7 ramadhan 1260 de l’hégire correspond au 11 octobre 1844.
La traduction qui précède a été faite d’après les indications des habitants du pays qui vivaient à l’époque où les pénalités prévues par ce règlement étaient encore appliquées. Le passage le plus digne de remarque paraît être celui qui interdit de tuer une autre personne que le meurtrier; il prouve que la vengeance personnelle était une règle admise, et qu’elle s’étendait souvent aux parents du coupable. On dirait même que le but principal du règlement en question était de limiter la répression à la personne et aux biens du coupable seul.
En dehors des peines réservées au meurtre, il en existait d’autres fixées par un usage constant. C’est ainsi que le vol d’un boeuf ou. d’une vache était puni par une condamnation pécuniaire de 40 réaux, dont 30 étaient remis au propriétaire et 10 au bechar, c’est-à-dire à celui qui dénonçait le voleur. Le vol d’une chèvre donnait lieu au paiement de 10 réaux, dont 8 au propriétaire et 2 au bechar. Le pillage d’un rucher d’abeilles (douira) entraînait une condamnation de 40 réaux. Celui qui pénétrait dans une maison d’habitation pour voler devait remettre à la victime un mulet.
En outre de la réparation imposée au profit de la victime, ou pour les délits qui n’en comportaient point, le cheikh infligeait des amendes qui étaient perçues soit en nature et réparties entre tous les habitants, soit en argent et conservées par le cheikh pour secourir les voyageurs indigents ou offrir des dons aux personnages religieux qui faisaient des tournées dans le pays.
La preuve des crimes s’établissait par témoins. A défaut de témoins à charge, l’auteur présumé du crime était tenu, lui et un certain nombre de ses plus proches parents, d’affirmer son innocence par serment solennel prêté dans une mosquée, sur la tombe de quelque personnage vénéré ou devant un marabout.
Les parents qui devaient accompagner l’accusé et prêter serment avec lui étaient toujours choisis par la victime, à la seule condition de ne pas désigner un ennemi de l’accusé; leur nombre variait suivant la nature et la gravité du délit : il en fallait 7 pour les vols de chèvres ou brebis., 14 pour les vols de boeufs, 25 pour l’incendie d’une maison, 50 pour un meurtre.
L’ensemble des personnes appelées à attester par serment l’innocence de l’accusé constituait son akila. (Voir sur ce mot la notice qui accompagne la traduction de Khalil par M. Seignette.)
La coutume du serment a continué à être suivie même après la conquête du pays : pendant longtemps l’autorité française en a toléré l’usage et en a même fait l’application.
Un marabout très renommé dans la contrée, et qui habite encore le douar des Ouled-Hamidech, était
généralement désigné pour recevoir le serment. Aujourd’hui cette coutume, dépourvue de toute force, exécutoire, tend à disparaître complètement, au très grand regret des indigènes qui s’en montraient très satisfaits, et pour lesquels son application constituait une épreuve décisive et souveraine.
Des usages analogues étaient également suivis dans les tribus voisines des Ouled-Athia. Chez les Soukia, qui font maintenant partie du douar d’El-Ouldja, le coupable participait à la répartition des bestiaux remis par lui à titre d’amende. Dans tout le territoire des Beni-Toufout, la dia, ou prix du sang, imposée au meurtrier était fixée à une valeur de 1,600 fr. qui devait se composer d’une femme, d’un fusil, et pour le surplus de bêtes à cornes.
D. LUCIANI.
Source : Revue africaine, 1889, P.296 – 303