Pendant la seconde quinzaine du mois d’août 1856, le sol de la province de Constantine fut secoué par une série de tremblements de terre, qui en certains points du littoral principalement, produisirent de véritables catastrophes.
Dans la région de Philippeville, si la ville elle-même ne fut guère éprouvée, les villages voisins eurent à subir des dégâts importants : sur la route de Valée, la terre s’entrouvrit, l’eau jaillit avec force : à Smendou, toutes les maisons furent lézardées ; à El Arrouch, la population dut évacuer le village, ainsi qu’à Robertville et à Gastonville. A Saint-Charles, le clocher et une partie de l’église s’écroulèrent sans qu’on eût à déplorer la perte de vies humaines : le pont sur lequel la route de Gastonville franchit l’Oued Safsaf, fut en partie, détruit.
A Bougie la commotion se fit sentir surtout en mer : les eaux se retirèrent à quatre ou cinq cents mètres puis revinrent quelques minutes plus tard en raz de marée et s’élevèrent à trois mètres au-dessus de leur niveau primitif. Plusieurs barques coulèrent à pic ; les chaînes des bâtiments à l’ancre s’étant cassées, ceux-ci partirent à la dérive ; les marchandises entreposées sur le bord de la mer, furent enlevées par le retour du flot.
Les eaux de la Soumam, refoulées par la mer, débordèrent et inondèrent la plaine. Près de son embouchure, existait à celte époque un pont dont le tablier reposait sur des pontons qui furent enlevés par le raz de marée. […]
Mais nulle part les effets de ce tremblement de terre ne furent aussi effrayants qu’à Djidjelli : la ville fut entièrement détruite.
Le jeudi, 21 août, vers dix heures du soir, une violente secousse ébranla le sol : la tour génoise, la mosquée et plusieurs maisons s’écroulèrent. La mer se retira à une grande distance et revint ‘immédiatement couvrir la plage et les jardins qui la bordaient. La commotion principale, qui avait duré plus d’une minute, fut suivie d’un certain nombre d’autres plus faibles ; la population s’était retirée hors des murs à la première alerte et passa la nuit dans l’attente de nouveaux malheurs. Le lendemain, 22 août, l’anxiété commençait à se calmer ; les habitants se rassuraient peu à peu et se disposaient à rentrer en ville pour constater les dégâts et tenter d’y porter remède, quand, vers midi, une seconde secousse bien plus violente que celle de la veille au soir et beaucoup plus prolongée, vint compléter le désastre ; la mer envahit de nouveau le rivage, renversant tout sur son passage. Quand le mouvement fut terminé, la destruction totale était consommée ; pas une maison ne restait debout. Un immense nuage de poussière s’étendait sur l’emplacement de la ville ; lentement il se dissipa, laissant à découvert un monceau de ruines, un fouillis de poutres enchevêtrées, dans un amas de décombres, de pierres noircies, de tuiles birisées, d’ou émergeaient ça et là quelques vieux lambeaux de murs branlant à moitié écroulés — ce qui fut Djidjelli !… Le sinistre ne se borna pas à des dégâts matériels, ont eut aussi des morts à enregistrer : cinq indigènes périrent ensevelis sous les décombres de leurs maisons ; un certain nombre d’autres reçurent des blessures ou des contu8ions. Les actes de dévouement ne manquèrent pas non plus dans cette triste circonstance ; les gendarmes du détachement cantonnè à Djidjelli se prodiguèrent sous la direction du brigadier Poujade ; le gendarme Mouton retira plusieurs personnes prises sous les décombres et resta longtemps dans les rues pour venir en aide aux habitants, sans craindre d’être lui-mème enseveli sous un éboulement. […]
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Cette terrible secousse ne fut pas la dernière, mois celles qui suivirent diminuèrent de plus en plus d’intensité ; elles durèrent encore pendant près d’une année, mais sans occasionner aucun dégât.
Le danger passé, il fallut s’organiser ; on ne pouvait songer à relever les ruines de la ville détrulte de fond en comble : des tentes furent dressées sur l’emplacement des jardins et dans la plaine qui s’étend entre la plage et les premières pentes du Djebel Aïouf. puis on se mit à l’œuvre.
Le premier hiver fut très rigoureux ; on avait à peine eu le temps de construire quelques gourbis et les tentes, sous lesquelles logeaient la plupart des habitants, étaient souvent emportées par le vent. Le sol était envahi par la boue, aussi la fièvre paludéenne ne tarda pas à faire son apparition et à exercer ses ravages. Malgré cela, en peu de temps la nouvelle ville commença à s’édifier ; sous l’active direction du colonel Robert, des rues furent tracées, des maisons s’élevèrent en bordure, des arbres furent plantés et quand revint l’hiver de 1857 à 1858, la population put être logée dans des habitations à peu près confortables, suffisantes en tous cas pour lui permettre de supporter plus facilement les rigueurs de la température. La nouvelle ville était fondée et par un sentiment facile à comprendre, on donna aux rues et places, des noms rappelant l’expédition de 1664.
Source : Histoire de Djidjelli / A.Retout.