Les grottes paléolithiques de Taza

Depuis 1987 une équipe d’archéologues de l’Université d’Alger, en collaboration avec des collègues étrangers, conduit des recherches archéologiques systématiques dans la région de Taza (Wilaya de Jijel, Algérie). Les investigations consistent principalement en des fouilles dans la grotte de Taza I et des prospections des grottes préhistoriques limitrophes.
Les fouilles systématiques, menées dans la grotte de Taza I, ont permis de recueillir un abondant matériel archéologique dans deux niveaux stratigraphiques distincts. Le niveau inférieur renferme une industrie lithique de type Paléolithique moyen et quelques ossements de mammifères. Le niveau supérieur a livré une impressionnante quantité d’objets archéologiques en très bonnes conditions de conservation, comprenant des restes lithiques et fauniques, des traces de feu et un crâne humain isolé presque complet. En se basant sur son contenu archéologique, la couche supérieure est rapportée à l’Ibéromaurusien.
Les autres grottes découvertes et désignées Taza II. III et IV sont très similaires à Taza I en ce qui concerne les dépôts stratigraphiques et le matériel culturel associé. Toutes ces grottes reflètent deux différentes périodes d’occupation humaine et de systèmes d’habitat ayant eu lieu durant le Pléistocène supérieur sur la côte littorale est algérienne.
Photo M.Medig
Cadres stratigraphique et chronologique
Les dépôts continentaux de la zone de Taza sont reconnaissables à travers trois terrasses bien distinctes: basse, moyenne et haute.
La basse terrasse, épaisse de 4 a 5 m, comprend deux niveaux de galets karstiques de petites et moyennes dimensions qui ont été roulés et cimentés in situ.
La terrasse moyenne, de 12.50 m d’épaisseur, est située au-dessous des dépôts de la grotte de Taza IV. Au-dessus des galets, il y a un sol rouge en cours de dégradation, qui présente des analogies avec les dépôts trouvés à la base des autres grottes de Taza.
La haute terrasse est encaissée dans une faille dans la montagne de Houita. Les dépôts de ce niveau de terrausse comprennent des sables et graviers grossiers. La totalité des sédiments est cimentée dans une micro-brèche dans laquelle des coquilles sont présentes.
Les formations quaternaires de la région de Taza constituent principalement des remplissages de grottes avec dépôts sédimentaires. les grottes se sont formées dans des calcaires jurassiques et liasiques. Les dépôts de grotte sont exclusivement continentaux et leur épaisseur varie généralement entre 4 et 5 m. les remplissages sont constitués de sédiments fins comprenant très souvent des limons, argiles et sables argileux.
Stratigraphie du remplissage de la grotte de Taza I:
Le remplissage de la grotte de Taza I (le plus étudié jusqu’à l’heure actuelle) est formé de deux couches stratigraphique d’épaisseur inégale.
Datations:
Trois dates au radiocarbone ont été obtenues à partir d’ossements et de charbons prélevés dans trois différents emplacements dans la grotte de Taza I.
La première datation, effectuée sur des os de la couche inférieure, donne > 39 000 ans BP – avant le présent- (laboratoire du CDTN/HCR, Alger ; échantillon
nc0097), compatible avec l’âge du Paléolithique moyen maghrébin.
La seconde date, également prise sur un échantillon osseux, indique 16 100 +/- 1400 ans BP (laboratoire de Gif-sur-Yvette, France; échantillon n°6800), et provient de la partie intérieure de la couche supérieure où le crâne humain fut
exhumé.
La plus récente date donne 1 3 800 »/-1 30 années BP (laboratoire de Gif-sur-Yvette, France ; échantillon n°6799), et fut obtenue d’un échantillon de charbon provenant du sommet de la couche supérieure.
Les deux dernières dates correspondent chronologiquement à l’Ibéromaurusien.
Les animaux fossilisés:
La faune mammalienne est illustrée par 4328 ossements d’animaux provenant des domaines paléarctique et éthiopien, dont la majorité est formée de fragments (plus de 85%). Les espèces identifiées sont en majorité des grands mammifères. Le mouflon à manchettes (Ammolragus lervia) occupe le haut du tableau avec plus de 90% de restes. Il est suivi par ordre de fréquence par l’aurochs (Bos pnmigenus), l’ours (Ursus), l’antilope chevaline (Hippotragus equinus), le sanglier (Sus scrofa), le cert mégacérin d’Algérie (Megaceroides algericus) et le macaque (Macaca innus).
Les restes humains:
Plusieurs restes osseux attribués à des individus juvéniles ont été retrouvés dans le niveau ibéromaurusien. Le crâne le plus complet appartient à une femme adulte. D’une capacité crânienne de 1225cm3, les traits de la face et du crâne sont moins accusés que ceux rencontrés habituellement chez les populations ibéromaurusiennes. Cependant, d’une manière générale, les caractères morphologiques sont ceux des cromagnoides du Paléolithique supérieur et de l’Épipaléolithique du Maghreb.
La face est courte, les orbites basses, le nez bas et élargi, le front bombé, le frontal moyen et divergent dans un crâne mésocéphale. Les analyses paléopathologiques et dento-squelettiques ont mis en évidence des asymétries cranio-faciales dont la plus importante est une luxation mandibulaire bilatérale.
Une reconstitution faciale par informatique a permis de mieux La visualiser (Hadjouis et ai., 2000 ; Hadjouis, 2003 ; Hacttouis et Vignal, 2003).
Les activités des habitants de Taza I
Le matériel archéologique recueilli dans les grottes de Taza atteste d’activités complexes et diverses, comprenant le transport des matières premières, la production et l’utilisation des artefacts lithiques et osseux et l’acquisition de nourriture. Une analyse archéozoologique est en cours. Les matières premières utilisées pour la confection des industries lithiques de Taza sont variées. Elles ont été amenées aux sites à partir de localités distantes et disparates, et Incorporent de la quartzite, différents types de silex et le jaspe. Le jaspe est représenté seulement par quelques pièces.
Dans une tentative de localiser les sources de roches exploitées, une étude préliminaire a été effectuée à l’aide d’informations géologiques issues des cartes de la région, de prospections et d’analyse microscopique et diffractométrique du silex. La quartzite est abondante sous la forme de galets de rivière aux abords des grottes préhistoriques. Il est hautement probable que les hommes préhistoriques collectèrent cette roche dans les lits de rivières se trouvant dans la région. En ce qui concerne le silex, les recherches ont permis de repérer trois différentes sources : la rivière des Aftis où seulement un type de silex est trouvé en forme de petits graviers et en fragments ; la formation conglomératique située très au nord de la région de Taza ; une couche de silex située au sud près de la région de Kherata.
Alors que les hommes du Paléolithique moyen s’approvisionnaient vraisemblablement en quartzite disponible dans les lits de rivière se trouvant aux abords des habitats, les Ibéromaurusiens cherchaient une matière première de meilleure facture, en l’occurrence une roche siliceuse et à grains fins telle que le silex, mieux approprie pour le débitage lamellaire et laminaire.
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Source: Archéologia N° 425.