Le lundi 7 octobre 1839,[…]Le prince et le maréchal, conduits par le colonel Bedeau, visitent Bougie, ce point intéressant de l’Afrique française, ce champ de bataille souvent ensanglanté, où les combats furent longs, acharnés, terribles. Les Kabyles ne se consolent pas de voir les Français occuper en maîtres la ville la plus importante de leur nation, et ne cessent de la convoiter : les tentatives multipliées, les coups de main imprévus,
Après avoir visité l’hôpital de Bougie, nous remontons à bord, et nous disons adieu à cette belle station militaire, qui doit un jour acquitter, à force d’utilité réelle, le lourd impôt que la France lui paye en hommes et en argent.
Le vent saute cap pour cap et enfle toutes nos voiles ; nous filons dix nœuds ; après quatre heures de traversée, nous descendons à Dgigelly (Djidjelli, ndlr)avant la chute du jour.
La mer est très grosse au delà de la ligne de récifs qui forme une jetée naturelle en avant de la presqu’île sur laquelle est bâtie Dgigelly ; cependant le mouillage est parfaitement sûr, circonstance digne d’attention et qui est fort rare en Afrique.
La ville n’est qu’un amas de masures kabyles et moresques, grises et ternes comme le rocher sur lequel elles reposent, et avec lequel elles se confondent de loin : les rues à peine tracées, les murs crevassés ou renversés, et ce misérable assemblage de huttes, préparent tristement à l’aspect have et flétri, à la vue de la détresse déguenillée des malheureux habitants de Dgidgelly, qui végètent dans la plus hideuse malpropreté, sans que l’exemple des Européens amène chez eux aucune amélioration.Une grande porte sarrasine, entrée de cette place du côté de la langue de terre qui s’avance dans la mer.
Nous trouvons là le reste de la légion étrangère ; nous parcourons la ligne des avant postes, avantageusement placés par le colonel de Salles ; nous visitons avec un vif intérêt tous les lieux où des combats se sont livrés, et particulièrement l’endroit où tomba le malheureux commandant Horain.
Les fortifications nouvelles ont été élevées par les troupes sur les anciens tracés qu’en avaient faits Duquesne et le duc de Beaufort, lorsqu’en 1664 le régiment de Picardie emporta Dgidgelly sur les Kabyles.
Ainsi que Bougie, Dgidgelly ne pourra servir qu’à relier à la mer les lignes de communication qu’on établira à l’intérieur.A huit heures du soir nous nous rembarquons, et on met le cap sur Stora.
Source: Journal de l’expédition des portes de fer, Charles Nodier, P.115.