C’est à la courtoisie de M. le marquis de Courcival que nous devons ce curieux document. Il l’a retrouvé dans les manuscrits de Conrart, conservés à la bibliothèque de l’Arsenal , en y faisant des recherches sur sa famille , dont plusieurs membres étaient de l’expédition du duc de Beaufort contre Djidjel.
Aout 1664. — Copie de la relation envoyée à M. le Duc de Mercoeur par l’écrivain de la barque du patron Charles-Estienne de Marseille.
L’armée arriva au port de Mahon , le huit du mois passé, puis elle joignit les galères de S. M. et celles de Malte. —Le 17 on fit voile vers la côte de Barbarie où elle fut, le 20, ayant mouillé devant Bougie et essuyé quelques volées de canon des forts. Le 20 toute l’armée ayant remis à la voile avec un temps assez favorable, côtoya jusques à Gigery où les galères ayant remorqué les navires tout se trouve à 6 heures du matin du 23 au devant de cette place et du fort.
On en tira cinq ou six coups de canon qui n’empêchèrent point le débarquement des troupes portées en même temps à terre par toutes les chaloupes de l’armée avec tant de diligence qu’à dix heures du même matin elles attaquèrent la place avec vigueur.
Elles y entrèrent dans le reste de ce jour. Sur le soir, quelque résistance ou défenses que les barbares fissent qui ne furent pas petites, y ayant eu quatre cents hommes des notres tués et autant des infidèles, l’attaque se fit. Tandis que nos galères canonnaient le fort M. le Duc de Beaufort y mit pied à terre à la tête de toutes les troupes. Il y combatit avec conduite et courage et se montra partout où le danger estoit. On trouva la ville abandonnée sur les cinq heures et les barbares fuyants de tous cotés qu’on poursuivit jusques à la montagne. Le reste du jour et la nuit a été employé à se retrancher, faire des fossés et toutes les défenses nécessaires.
On les poussa si loin et si diligemment qu’il y eut dans 24 heures après, quarante pièces de Canon en batterie et les retranchements si avancés qu’on se crut à couvert de toutes les forces des barbares qui sont venues diverses fois pour attaquer nos défenses, mais assez inutilement ce qui donna lieu de mieux espérer encore lorsque les travaux seront plus avances. On trouve le port bon , fort commode et à couvert de tous vents.
|
Nb: ZAGAYE : Arme dont se servent les Mores, qui est une espèce de javelot qu’ils lancent avec grande adresse à cheval
—
Source : Revue de l’Afrique française et des antiquités africaines, Tome IV – cinquième année 1886. P.217