La borne milliaire romaine de mechta Skaïf (Béni Yadjis)
Lors du IIIe colloque sur l’histoire et l’archéologie de l’Afrique du Nord qui s’est tenu à Montpellier en 1985 dans le cadre du 110e congrès national des sociétés savantes, j’ai évoqué très brièvement, à l’issue de ma communication sur le milliaire érigé par la respublica Vahartanensium, (fig. 1 et 2) quinze inscriptions ou fragments d’inscriptions funéraires inédites; comme, faute de temps, je n’ai pu les accompagner d aucun commentaire, ni d’aucune photographie, je suis reconnaissant à la Commission d’histoire et d’archéologie de l’Afrique du Nord, et en particulier à son secrétaire Lionel Galand, de les accueillir aujourd’hui dans son bulletin.
Il s’agissait, je le rappelle, d’une série d’épitaphes relevées par un groupe de jeunes médecins coopérants en poste dans la wilaya de Jijel, le docteur Jocelyn Mermet, le docteur 8 km autour de François Morizot et le docteur Michel Sanbussy, dans un rayon de 7 à Skaïf, où ils avaient découvert le milliaire en question (fig. 1). Skaïf est situé à proximité de la route de la wilaya n° 2 qui mène de Jijel à Constantine par l’intérieur, à environ 6 km à l’est et en contrebas du col de Fédoulès; il correspond au site n° 105 de l’Atlas archéologique de l’Algérie, f. 8.
Ce col de Fédoulès (938 m), célèbre par l’inscription rupestre du rex genlis Uculaman , marque vraiment la limite entre deux mondes. Au nord le pays est montueux, couvert de forêts denses et peu peuplé. Bien que les sommets y soient moins élevés que dans le Djurjura et même la Kabylie des Babor, toute proche (djebel Babor , 2004 m), le relief y est complexe, les plis montagneux y sont orientés en tous des sens, la proximité de la mer crée d’impressionnantes dénivellations 2.
Les oueds coulent au fond de défilés vertigineux et, comme l’écrit joliment P. Salama, «perdent plusieurs fois leur orientation»3, en sorte qu’ils ne facilitent guère les communications.
La pluviométrie et l’enneigement sont parmi les plus forts d’Algérie. Ils ont favorisé la croissance d’un magnifique manteau forestier, composé de chênes zéens, de chênes verts et de chênes-lièges, doublé sur la côte d’un maquis qui est un nouvel obstacle à la circulation.
Aussi, même à l’époque moderne, les voies de communication se sont-elles détournées de ce massif difficile. Pour se rendre de Constantine à Jijel, l’on utilise beaucoup plus la route n° 12, qui suit la basse vallée de l’oued el Kébir, que la R.W. n° 2 qui passe par Mila et El Mahad. Entre Djemila et Jijel, l’on préférera faire un énorme détour par Sétif que d’emprunter la R.W. n° 5 aujourd’hui pratiquement délaissée et d’un entretien très difficile. A l’exception du petit centre de Texenna, la colonisation française était restée très à l’écart de cette région.
3. P. Salama, «Les voies romaines de Silifis à Igilgili», dans A.A. 16, 1980, p. 102
Au siècle dernier, selon Féraud, l’habitat y était encore des plus primitifs. On n’y voyait pas, écrit-il, comme dans la Kabylie orientale «de ces grands et populeux villages aux maisons solidement construites, qui dénotent un certain bien-être. Depuis le versant oriental du Babor, on ne voyait généralement que de pauvres cahutes en clayonnage ou en torchis, recouvertes en diss ou en liège»4. Tel est le souvenir que moi-même conservé de la zone située entre le littoral à la hauteur de l’îlot de Cavallo et la chaîne des Beni Foughal où j’ai passé plusieurs mois pendant l’hiver 1941-42.
4. Féraud dans Revueafricaine, 1862, p. 274.
Vers le sud et vers l’est au contraire, au fur et à mesure que l’on se rapproche de la vallée de l’oued el Kébir, quoique le relief reste fort accidenté, la forêt disparaît et le Paysage s’humanise. Désormais, les villages dont les toits sont couverts de tuiles romaines, au sens banal du terme, sont entourés d’olivettes et de jardins, les terres
disponibles pour la culture se multiplient. Ainsi c’est au fur et à mesure que l’on tourne le dos à la Méditerranée que l’on découvre un paysage de type méditerranéen.
Après quelques sondages infructueux autour de Chahna, de Taher et d’El Mahad, c’est d’ailleurs sur ce versant sud
qu’attirés par les ruines nombreuses signalées par (l’Atlas Archéologique de l’Algérie, f. 8.), les médecins en question ont concentré leurs efforts, en prenant précisément comme point de départ le col de Fedoulès (fig. 5).
Source : Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques. Fasc. B, Afrique du
Nord, année (1987 -1989), P. 87_88.
Post-scriptum :
Ce milliaire a été découvet pour la première fois en 1980 par l’archéologue français Pierre Morizot, et la deuxième fois a été explorée par un membre de l’Association Maalem pour les Antiquités et M. Karim Hadji , amateur d’archéologie et d’histoire, accompagné de M. Bazir Yazid et de Bouchaair Ahmed et Mouhammad.
M. Karim Hadji a documenté cette découverte en 2008 sur son site internet : Jijel-archeo
Mise-à-jour ( Juillet 2022):
اشرف السيد مدير الثقافة والفنون لولاية جيجل هذا المساء على عملية تسليم النصب الميلي المكتشف بالموقع الاثري بو الشقايف بلدية بودريعة بن يا جيس مرفوقا ببطاقية تقنية خاصة به إلى متحف كتامة ليتم عرضه على الزوار
Le Directeur de la Culture et des Arts de la wilayat de Jijel a supervisé ce soir (18 juillet 2022) le processus de remise du milliaire découvert sur le site archéologique de Skaïf ( Bou Chakayef), commune de Beni Yajis, accompagné d’une fiche technique qui lui est propre, au Musée de Kotama (Jijel).
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Bonjour,
Permettez-moi d’ajouter un détails..
Le membre de l’association Maalem mr Sofiane Draa qui travaillait à la Sonelgaz était féru amateur d’archéologie.
Il était ami et tout le temps en contact avec feu (Karim Hadji).
Il avait pu tisser un réseau de lanceurs d’alertes pour les découvertes archéologiques à travers les différents région de la Wilaya..
Un jour il s’est entretenu avec le nommé Yazid Bezir qui était le représentant d’un contracteur général en travaux électriques pour la Sonelgaz et qui lui a fait part de la présence d’une pierre de forme cylindrique dans la région de Terfia à Béni Yagis et c’est là qu’une visite du site a été programmée par Sofiane Draa, Karim Hadji et Yazid Bezir pour l’exploration du site.
Ils avaient trouvé deux bornes milliaires, la première laquelle fait référence votre article et la seconde celle où est mentionné l’empereur Gordien III (238-244) avec l’aide de Bouchair Ahmed et Mohamed et qui est disparue selon les dernières visites d’explorations de certains amateurs d’archéologie.
Merci