SÉPULTURES ANTIQUES DE DJIDJELLI
Ayant été appelé, au mois de juin dernier, à habiter Djidjeli pendant quelques jours, j’ai profité de monséjour dans cette localité pour relever exactement les nombreuses sépultures creusées dans le roc, quiexistent au Nord de cette ville, sur le littoral.
Je n’ai jamais lu de description de ces tombeaux, et M. Féraud, dans sa monographie de Djidjeli, n’en fait qu’une simple mention. Cette nécropole mérite cependant mieux, et j’ai pensé être agréable à la Société archéologique de Constantine en faisant à son intention un croquis représentant en plan la disposition et l’orientation de ces sépulcres
Situation. — Entre la vigie et le cimetière français, d’un côté, le cimetière arabe et le mur d’enceinte, de l’autre, s’étend un vaste plateau rocheux présentant une surface plane de la vigie au cimetière arabe, avec inclinaison en pente douce jusqu’à la mer. Le roc est recouvert en partie par des alluvions sablonneuses, et il n’apparaît çà et là qu’en affleurements de surface restreinte, où se trouvent groupées, comme l’indiquent mes croquis, un très-grand nombre de tombes dont je vais donner ci-dessous la description détaillée.
Orientation.
— La majeure partie de ces tombes est orientée du Sud-Ouest au Nord-Est. Quelques unes, cependant, sont creusées suivant la direction Nord-Sud (fig. 5), Est-Ouest (fig. 4, 11, 16, 17), ou enfin Nord-Ouest-Sud-Est (fig. 1, 4, 10). La tête du cadavre était à l’Ouest, les pieds au levant.
Formes et dispositions.
— Leur forme, généralement rectangulaire, est très-variable ; les unes sont arrondies à l’une de leurs extrémités ou aux deux extrémités à la fois, d’autres sont étroites aux pieds, élargies vers la tête, carrées ou irrégulières. L’une d’elles surtout est remarquable parce qu’elle présente la forme d’un corps humain, et nous indique ainsi la façon dont le cadavre était placé dans la fosse (fig. 12). A remarquer également deux tombes juxtaposées par leurs extrémités (fig. 11).
Ces sépultures sont groupées symétriquement, en plus ou moins grand nombre, sur les affleurements de roche signalés ci-dessus. Les formes d’un même groupe sont sensiblement les mêmes.
Dimensions.
— Elles mesurent, en moyenne, delm70 à lm80 de longueur. Beaucoup ont des dimensions plus grandes, 2nl, 2m17, 2™30 et 2m40 (fig. 11). Ces deux dernières communiquent actuellement, mais devaient, sans doute, être séparées à l’origine par une cloison. Leur largeur varie de 0m50 à lm20 et se trouve proportionnée à la longueur. Leur profondeur, à peu près uniforme, est de lm environ. La tombe de 2m40 (fig. 11) a lm20 de profondeur. Je n’ai pu en mesurer qu’un nombre restreint, car elles sont, pour la plupart, remplies de sable, soit en partie, soit totalement.
Leur état de conservation est parfait, et certaines d’entre elles laissent voir nettement les traces du
ciseau dont se servait l’artisan qui les a creusées. Ces tombes présentent la plus grande analogie avec celles que l’on remarque dans le ravin du Rhummel, à Constantine, non loin du pont d’El-Kantara, et qui viennent d’être mises à jour par les travaux de la route dite de la Corniche. Il est probable qu’à une époque extrêmement reculée, les Phéniciens ou les Carthaginois possédaient un comptoir important à Djidjelli, et que ce sont eux qui ont creusé les tombes dont je viens de donner la description.
Je n’ai relevé aucune inscription, aucun signe pouvant mettre sur la trace des peuples qui ont enterré leurs morts en cet endroit.
Sépultures ou habitations souterraines.
— J’ai remarqué également un certain nombre d’habitations ou de sépultures souterraines qui sont extrêmement intéressantes et fort bien conservées. Elles sont situées entre le cimetière français et la mer.
La première, représentée par la figure 18, est creusée dans une petite butte, à quelques pas du mur d’enceinte du dit cimetière. Creusée dans une espèce de conglomérat sablonneux qui a acquis la dureté de la pierre, elle se compose d’une chambre carrée dans laquelle on accède par une porte de lm20 de hauteur. La chambre a environ 2m de profondeur. lm50 de largeur et 2m de hauteur.
Une autre (fig, 19) se voit dans un mamelon voisin et offre cette particularité qu’elle a deux entrées, dont une est en contre-bas du sol de cette chambre. Un affaissement a produit une profonde crevasse qui la sépare en deux. Elle est carrée et mesure 2m de côté. Enfin, on remarque une troisième chambre en plus mauvais étal que les deux précédentes (fig. 20) et ayant les mêmes dimensions. Son entrée est basse et n’a pas un mètre de haut.
Un grand nombre d’habitations semblables existent à la Pointe-Noire, à 2 kilomètres et demi à l’Ouest de Djidjeli, également sur le bord de la mer. A 500 mètres au Sud-Ouest de la baraque du Stand, se voient, dans une colline rocheuse, des traces nombreuses de travaux remontant très-probablement à la même époque, mais ayant de plus grandes proportions.
On remarque, en particulier, une espèce de grande salle ayant au moins 6 mètres de hauteur, dont il ne reste que les parois verticales, des fragments de chambres avec des niches creusées dans leurs murailles, le tout taillé dans le roc avec un certain art. Il serait utile que des savants plus autorisés étudiassent ces vestiges antiques; ils parviendraient peut-être, en les examinant avec soin, à jeter une nouvelle lumière sur l’histoire des peuples qui nous ont précédés, sur cette partie du littoral algérien.
10 août 1888.
C. DUPRAT
Source : Recueil des notices de la Société Archéologique de Constantine, 1888-1889, P.396 , 437