Les nécropoles phéniciennes de Djidjelli – revue archéologique (1930).

I. — HISTORIQUE.

Les nécropoles phéniciennes ne sont pas très nombreuses sur le territoire algérien. On peut citer : Gouraya (près de Cherchell), Bougie; Djidjelli, Collo, Philippeville et Constantine. Les seules qui aient été fouillées méthodiquement sont celles de Collo  et celle de Gouraya.

Les nécropoles phéniciennes de DjidjelliA Djidjelli; des tombes puniques avaient été signalées dès les premiers temps de l’occupation française, mais en supposant généralement que toutes avaient été violées dès les temps antiques. Cependant, vers 1885, le lieutenant Dufour, commandant le cercle de Djidjelli, fit quelques recherches dans la nécropole de la Pointe Noire.

Rien, à notre connaissance, ne fut publié à ce sujet et les objets recueillis, parmi lesquels une suspension en bronze et une statuette en terre cuite représentant un personnage assis, furent donnés par le lieutenant Dufour à un musée de France, nous ignorons lequel. A la fin du mois d’octobre 1928, M. Delmas, adjoint au maire de Djidjelli, était avisé qu’à un kilomètre à l’ouest de la ville, les ouvriers de la Mandet Africa, compagnie d’exploitation de lièges, venaient de découvrir fortuitement des tombes creusées dans le roc. Mis au courant par M. Delmas, nous nous rendîmes à Djidjelli le 3 novembre et, le 6 novembre, nous adressions au Gouvernement général de l’Algérie un premier rapport à ce sujet.

Nous fûmes, sur notre demande, chargés, par l’architecte en chef des Monuments historiques, de la mission de rechercher s’il ne se trouvait pas à Djidjelli et, en particulier, à proximité des tombes déjà découvertes, de nouvelles tombes qui pourraient être l’objet de fouilles méthodiques. Fin janvier, nous étions sur les lieux. Dans l’intervalle, les ouvriers de la Mundet Africa avaient trouvé encore un caveau, ce qui en portait le nombre à cinq.
Nous avons nous-mêmes découvert sept tombes intactes en ce point. Nous avons aussi fait des fouilles dans les autres nécropoles phéniciennes de Djidjelli. Les objets recueillis sont déposés au Musée de Constantine.


II. — DESCRIPTION DES TOMBES.

A. -Nécropole du rocher Picouleau et de la Vigie.

Cette nécropole se trouve entre la ville de Djidjelli et la mer. De l’est à l’ouest, du rocher Picouleau au fort Saint-Ferdinand, on rencontre près de deux cents fosses creusées dans le roc et présentant toutes les formes possibles : carré, rectangle simple, rectangle arrondi à l’une des extrémités ou aux deux, trapèze, rectangle avec sommet ménageant la place de la tête, etc. Toutes ces fosses sont creusées dans le calcaire (fig. 1).

Djidjelli , Jijel, necropoles phéniciennes
Au rocher Picouleau même, il existe un seul caveau à puits dont le plafond a d’ailleurs disparu. Entre le cimetière européen et la mer, il subsiste deux témoins d ‘un petit plateau de tuf de 2 ou 3 mètres d’épaisseur, désagrégé tous les jours par les vagues. Huit caveaux, avec puits d’accès sans escaliers, s’y rencontrent plus ou moins effondrés. Parfois le puits a complètement disparu, mais il nous a paru que primitivement tous les caveaux sans exception devaient en être munis.


Des fouilles faites sur la partie la plus large de ce plateau nous ont fait découvrir deux fosses anthropoïdes jumelées (sans doute le mari et la femme) qui ne contenaient rien, et deux autres fosses rectangulaires profondes de plus d’un mètre, dont l’une contenait une petite patère intacte, ce qui prouve que cette tombe n’avait pas été violée.
Vers l’ouest, nous avons fouillé une dizaine de fosses qui n’ont pas donné de mobilier comme nous nous y attendions : la dalle de fermeture est enlevée depuis des siècles et tous les objets ont été emportés.
Sur toute la superficie, on rencontre de très nombreux débris de poterie (teglilae et amphores). Ce sont les témoins d’une nécropole romaine. Nous avons photographié une amphore à ossements et une tombe formée de tuiles plates et de tuiles à canal. Malgré le bon état relatif de conservation de ces vestiges bien en place, nous n’avons rien trouvé ni dans les amphores ni sous les tuiles : les ossements ont fondu aux intempéries ainsi que les poteries et les métaux s’il s’en trouvait.
A l’extrémité ouest de cette nécropole, un habitant de Djidjelli a creusé dans le tuf pour en extraire de la pierre à bâtir. Il a ainsi recoupé un certain nombre de ces canaux cylindriques terminés en doigt de gant qui ont passé pour avoir été creusés par les Phéniciens. Nous avons montré ailleurs 1 que ces canaux sont d’origine naturelle.


 

B. — Nécropole de la Pointe Noire.

Ici, dans un sol particulièrement favorable, les Phéniciens ont accumulé leurs caveaux funéraires qui se succèdent sans interruption sur toute la surface de la Pointe Noire, plateau rocheux dominant la mer d’une dizaine de mètres, long de 200 mètres et large de 150. La plupart des tombes sont encore
cachées sous le sable ou la terre, mais un coup de pioche donné au hasard rencontre le plus souvent le vide du puits d’un caveau, et les cloisons séparant les tombes ne-dépassent pas 20 centimètres.

Dans l’antiquité, les violateurs de sépultures ont passé d’un caveau à l’autre en crevant simplement cette cloison. Nous estimons à deux ou trois cents tombes la totalité de celles qu’il serait possible de dégager dans ce petit espace (fig. 2).

On trouve à la Pointe Noire la fosse simple, la fosse profonde de plus d’un mètre, le puits à escalier sans caveau (ce dernier n’a pas été creusé parce que le tuf n’était pas homogène), le puits profond de 2 à 3 mètres avec des encoches à droite et à-gauche pour faciliter la descente, le puits à escalier, le caveau simple, celui qui se prolonge en un second, le caveau à banquette en face l’entrée avec une fosse dans le sol, le caveau à plafond plat, celui à plafond voûté, etc.

Le lieutenant Dufour a fouillé une quarantaine de tombes et nous-mêmes à peu près autant. Sans aucune exception, lorsque la terre était enlevée du puits, nous trouvions la dalle de fermeture du caveau écartée de sa position normale juste assez pour laisser passage au corps. d’un homme : nos prédécesseurs avaient nettoyé le puits jusqu’à cette dalle, puis, à l’aide d’un levier, avaient forcé la porte, et, le mobilier enlevé, ils avaient laissé les choses en l’état.

Sans aucune exception, ces caveaux ne contenaient plus que des ossements informes, sans aucun mobilier. Par contre, nous avons recueilli dans les puits d’accès les objets qui n’avaient pas tenté la cupidité des violateurs de sépultures et qu’ils avaient abandonnés dans le couloir de sortie. C’est là que nous avons trouvé les lampes à support et divers débris de poterie grossière (1).

(1). Cette nécropole de la Pointe Noire est placée dans un site particulièrement pittoresque; les caveaux sont dans un merveilleux état de conservation.Il serait intéressant de dégager entièrement et méthodiquement cet ensemble de tombes, unique en Algérie.

 


 

C. — Nécropole de la « Mundet Africa ».

La nécropole de la Mundet Affica est la plus petite, la plus pauvre et la plus récente des nécropoles de Djidjelli.

Elle ne comprend que douze tombes, dont toutes ne sont pas -à caveau. Il a pu en échapper quelques-unes à nos investigations, mais pas beaucoup. D’une part, cette nécropole est limitée au nord par une falaise artificielle, carrière antique antérieure au creusement des tombes; au sud, parla route de Djidjelli à Bougie.

L’espace intermédiaire est occupé par les bâtiments de la Mundet Africa; en aplanissant la surface du sol, on n’a trouvé, dans un espace très restreint, que cinq tombes. Nous en avons nous-mêmes trouvé sept autres à proximité immédiate. Nos recherches aux environs n’ont donné aucun résultat (fig. 3).

Le mobilier recueilli, nous le verrons, est pauvre ou grossier. Enfin, c’est la nécropole la plus récente : les Phéniciens ont d’abord enterré leurs morts au rocher Picouleau, non loin du port et de la presqu’île sur laquelle ils s’étaient établis. Là, ils ont creusé dans le tuf des caveaux à puits et dans Le calcaire, lorsqu’il n’y eut plus de place dans le tuf, des fosses simples peu profondes. Plus tard, ils utilisèrent le tuf de Pointe Noire et y creusèrent des caveaux en ménageant l’espace disponible.

Mais le tuf à la fois résistant et facile à travailler, bien homogène,pour assurer l’étanchéité du caveau, ne se rencontre que rarement même à Djidjelli. Il restait contre une carrière un petit plateau de tuf ; on y creusa une quinzaine de tombes. Celles-ci ont échappé à la cupidité des chercheurs de trésors et le hasard seul les a fait découvrir.

Parmi les douze tombes de la Mundet Africa, dix sont des caveaux à puits avec escalier; une est une fosse de grandes dimensions qui n’abrita cependant que le corps d’un enfant : le sol était creusé d’une rigole peu profonde de 1 mètre de long et de 20 centimètres de large, dans laquelle le corps avait été déposé.

Necropole Mundet Africa, djidjelli

La dernière tombe est un puits à escalier avec, en face,l’amorce du caveau qui ne fut pas creusé lorsqu’on s’aperçut que le tuf n’était pas homogène. Les caveaux à puits se composent d’un puits rectangulaire dont la profondeur dépasse 2 mètres. Un escalier est aménagé à l’une des extrémités : il facilitait évidemment la mise au tombeau du cadavre, mais aussi il épargnait d’autant le travail de creusement du puits; le puits à escalier est une amélioration du puits à gradins.

En face, on trouve l’entrée du caveau fermée par une dalle de pierre encastrée dans une feuillure et protégée en haut par un larmier, en bas par un seuil pour empêcher l’eau de pénétrer dans l’intérieur. Le caveau, d’assez petites dimensions, est en contre-bas du sol du puits. Nous l’avons le plus souvent trouvé très sec, sauf lorsque les tremblements de terre, fréquents à Djidjelli, avaient fissuré le plafond.

 

nécropoles  de Djidjelli


 

ALQUIER. Conservateur du Musée de Constantine.

Revue archéologique (1930).

 

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