Histoire de la tribu des Ketâma (2ème Partie)

Disparition des Ketâma.

Déplacements considérables éprouvés par la Tribu Kotama, Toutes les révolutions qui se sont accomplies en Afrique ont amené des déplacements assez considérables de population, surtout dans les nations berbères, qui y avaient pris la principale part ou qui en avaient profité.

Il en fut ainsi de la révolution des Fatimites et de la nation des Ketâma. Il parait que jusqu’à cette époque leur territoire ne comprenait pas Sétif; c’est dans le cours de la guerre qu’ils se rendirent maîtres de cette ville, dont ils restèrent possesseurs depuis cette époque, après en avoir renversé les murailles, probablement la deuxième enceinte(2 ).

Un assez grand nombre d’emplois furent donnés à des Ketâma. Un personnage de cette tribu obtint le gouvernement d’Adjedabia, oasis(3 ) située au sud de Barka, un autre celui de Gabès(4 ), et cette dernière charge demeura héréditaire dans sa famille. Ce fut encore un Ketâmi qui eut la perception générale des impôts(5 ).


2 Ibid. P. 534.
3 Kaïrouâni, p. 107
4 Id. ibid. — Bekri, p. 462.
5 Ibid.


 

Obeïd-Allah envoya pour gouverner la Sicile un des principaux chefs de la tribu des Ketâma, nommé El-H’acen-ebn-abi-Khanzir(1 ).

Les déplacements les plus considérables qu’éprouva la tribu des Ketâma eurent lieu par suite des expéditions entreprises par Obeïd-Allah et ses successeurs. Quelques années aprèsl’avènement du Mohdi, une révolte éclata en Sicile contre le gouverneur ketâmi qu’il y avait envoyé. Obeïd-Allah dirigea aussitôt sur cette Ile, pour la pacifier et l’occuper, une armée de Ketâma (2 ).

La conquête de l’Égypte, qui fut l’événement le plus remarquable arrivé sous la dynastie des Obeïdites, enleva aussi au territoire de cette tribu un grand nombre de ses habitants. Cardonne attribue au fondateur même de cette dynastie l’initiative de cette vaste entreprise(3 ). Suivant cet auteur, dès l’an 300 de l’hégire (912), il y envoya trois armées, qui furent repoussées.

Enfin une quatrième réussit à s’emparer d’Alexandrie. Il est probable, quoique l’histoire n’en fasse pas mention explicitement, que les Ketâma entrèrent en grand nombre dans la composition de ces armées. En effet, Bekri rapporte que de son temps on voyait encore à Ternout’, gros bourg situé sur les bords du Nil, beaucoup de ruines provenant d’édifices démolis par les Ketâma, lorsqu’ils campèrent en ce lieu sous la conduite d’Abou-el-Kâcem, fils d’Obeïd-Allah.


1 Ebn-Khaldoun, traduit par M. N. Desvergers, p. 159.
2 Ibid. p. 160.
3 Cardonne, t. II, p, 63.


 

La dernière partie de cette assertion me parait inexacte, ou au moins obscure. Le règne d’Abou-el-Kâcem fut trop continuellement agité par l’insurrection d’Abou-Iezîd pour qu’il ait été possible à ce prince d’entreprendre en personne une expédition aussi lointaine. Selon toute apparence, l’indication de Bekri(1) se rapporte à l’une des expéditions entreprises sous le règne d’Obeïd-Allah, et dirigées probablement par son fils, qui devait être plus tard son successeur.

L’insurrection dont je viens de parler éclata dans les premières années du règne d’Abou-el-Kâcem. Elle ne dura pas moins de trente ans et faillit emporter la dynastie naissante. Elle avait pour chef un certain Abou-Iezîd, Zenâti d’origine, et tirait son principal appui de la tribu des Zenâta, bien que la plupart des autres lui envoyassent leurs contingents ; car les Ketâma et les S’enhâdja avaient seuls mis leurs bras au service des Obeïdites.

Les troupes qui furent opposées à l’insurrection se composaient surtout de Ketâma ; aussi en périt-il un grand nombre dans cette guerre. Nous pensons, au reste, que ces décimations pouvaient bien entrer dans la politique des khalifes, qui cherchaient ainsi à se débarrasser de ces auxiliaires turbulents et indisciplinés. L’année 350 offre un nouveau témoignage de l’insociabilité de ces Berbers.


1 Bekri, p. 443


 

Parmi les personnages qui gouvernèrent la Sicile vers cette époque figure un certain Iaïch : « Cet émir, dit Ebn-Khaldoun, ne se montra pas à la hauteur de sa mission et demeura inhabile à réprimer les dissensions qui avaient éclaté entre les Ketâma et les Kabyles(1 ). « Sous le nom de Kabyles, l’auteur arabe comprend sans doute tous les Berbers des autres tribus, et principalement des Senhâdja, qui participaient à l’occupation de la Sicile avec les Ketâma.

Vers cette époque, le khalife Moezz-lid-Dîn ordonna les préparatifs d’une expédition pour achever la conquête de l’Égypte, commencée sous Obeïd-Allah. Ce fut encore dans le pays des Ketâma qu’eurent lieu les principales levées de troupes(2). En 358, le kaïd Djohai se mettait en marche vers l’Égypte à la tête d’une armée formidable, composée en grande partie de Ketâma, c’est-à-dire de Berbers appartenant au massif de Bougie, Djidjeli, Kollo et Philippeville, et de Zouïliens ou gens de Zouïla , oasis du grand désert au sud de Tri-poli(3). De cette émigration de Ketâma, il est probable que bien peu revinrent au pays.

En 361, la conquête de l’Égypte était achevée, et Moezz-lid-Dîn abandonnait pour jamais le Maghreb, laissant entre les mains d’un S’enhâdji le gouvernement de cette contrée. Que devinrent les Ketâma ? Tout nous porte à croire qu’ils protestèrent contre le choix de Moezz-lid-Din et contre l’élévation au pouvoir de leurs anciens alliés, les S’enhâdja.


1 Ebn-Khaldoun, traduit par M. N. Desvergers, p. I72.
2 Kaïrouâni, p. 108.
3 Id. ibid.


 Cela résulte d’ailleurs de la mention suivante, que nous trouvons dans El-Kaïrouâni, sous l’année 367 de l’hégire : « C’est en cette année que le pays de Ketâma fut soumis et qu’on y perçut les contributions(1). » Il y eut donc, à la suite de l’avènement des émirs zeïrides, une rupture violente entre les S’enhâdja, devenus souverains du Maghreb, et les Ketâma exclus du pouvoir. La guerre qui s’ensuivit dut avoir pour résultat l’extermination d’un grand nombre de ces derniers.

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