Occupation de Djidjelli 1939.

Occupation de Djidjelli 1939

Jijel, Djidjelli 1839Le 1er janvier 1839, un brick français, l’Indépendant, parti d’Alger avec un chargement de blé pour le compte de l’administration, avait fait côte à hauteur de l’oued Djendjen, à peu de distance de Gigelli. Les Kabiles, habitant le voisinage du lieu du sinistre, attaquèrent les naufragés au nombre de neuf, les firent prisonniers après les avoir blessés, et refusèrent de les relâcher si on ne leur payait une rançon pour laquelle ils n’exigeaient pas moins de douze cents douros (6,000 fr).

Le commandant de Bougie, averti de ce sinistre maritime par deux marins gigelliens, les frères raïs Aïssa et raïs M’saoud Bourboun, écrivit à Constantine, au général Galbois, commandant alors la province, qui fit aussitôt négocier la mise en liberté des naufragés par l’intermédiaire du marabout Moula Chokfa.

Les frères Bourboun, se mettant eux-mêmes, ainsi que leur famille, en otage chez les Kabiles, obtinrent, sur ces entrefaites, une diminution du chiffre de la rançon, fixée définitivement à 4,500 francs, et les prisonniers furent renvoyés à Alger après le payement de la somme. Le gouvernement général récompensa largement, l’action généreuse des frères Bourboun.

Partant de ce principe erroné que les indigènes sont incapables de tout sentiment philanthropique, quelques esprits fantaisistes ont imaginé depuis d’expliquer cette circonstance, en faisant descendre la famille des Bourboun de Gigelli d’un Bourbon de France, resté entre les mains des Maures après l’expédition de 1664. Cette version romanesque, basée principalement sur une certaine similitude des noms, n’est pas plus admissible que celle qui ferait provenir les Oulad-Amokran d’un Montmorency qui aurait embrassé l’islamisme. L’une et l’autre de ces deux origines ne s’appuie sur aucune tradition européenne ou indigène, et manque trop absolument de vraisemblance pour ne pas manquer aussi de vérité. Nous aurons, dans un autre travail, l’occasion d’entrer dans des détails plus développés à ce sujet.

A l’époque de l’année où les malheureux naufragés étaient entre les mains des Kabiles, tout mouvement de troupes, toute opération militaire ou maritime pouvaient être contrariés par la mauvaise saison. Le moyen employé pour rendre à la liberté les matelots du brick l’Indépendant était une nécessité extrême ; mais on devait, en temps opportun, se souvenir de l’acte de barbarie dont s’étaient rendus coupables les gens des environs de Gigelli. En effet, dès que le temps permit de tenir les troupes hors des camps, le Maréchal Valée, gouverneur général de l’Algérie, s’occupa de prescrire les dispositions nécessaires pour assurer le succès d’une expédition contre cette ville. Cette opération devait, sinon précéder, du moins être exécutée en même temps que les premiers mouvements qui devaient être faits par les troupes de Constantine dans la direction de Setif et de la Medjana.

On pensait que le châtiment de la population insoumise et inhospitalière de Gigelli, produirait un salutaire exemple sur les tribus kabiles établies au nord de la voie de communication qui conduit de Conslantine à Setif, en passant par Mila et Djemila, au pied méridional de la Kabilie orientale.

L’occupation de tous les points de la côte était une mesure nécessaire, qui devait se faire concurremment à la marche de nos établissements dans l’intérieur, et être simultanée à leurs progrès. Le maréchal Valée voulait, par la possession des ports et la création des voies de communication, ouvrir des débouchés au commerce et assurer à l’industrie et à l’agriculture le mouvement de leurs produits. La possession de Gigelli devait, dans ce système, devenir très-utile.

Le général Galbois donna, au chef d’escadron d’état-major de Salles, le commandement de l’expédition qui allait attaquer Gigelli par mer ; quant à lui, opérant par ‘ terre, il avait le projet de se diriger de Mila sur Gigelli pour appuyer les mouvements des troupes de débarquement. Les garnisons de Philippeville et de Bougie devaient sortir de ces places au jour fixé pour l’attaque, afin de diviser par ces démonstrations l’attention des populations kabiles et de les empêcher de se porter du côté de Gigelli pendant les premiers jours de l’occupation.

Jijel, Djidjelli 1839

Deux bâtiments à vapeur, le Styx et le Cerbère, embarquèrent à Alger le 1er bataillon de la légion étrangère, destiné à former la garnison de Gigelli après la prise de cette ville. Le général Galbois avait calculé qu’il arriverait par terre le 13 mai devant Gigelli ; les troupes de débarquement devaient ce même jour être déposées sur la plage. Le capitaine de frégate de Marqué avait le commandement des bâtiments, et le petit corps expéditionnaire, réuni à Philippeville, était organisé de la manière suivante:

– Le chef d’escadron d’état-major de Salles, commandant en chef ;

– Le capitaine d’état-major de Mesnil, chef d’état-major;

– Le chef de bataillon (légion étrangère) Horain, commandant l’infanterie ;

– Le capitaine d’artillerie Le Boeuf, commandant l’artillerie;

– Le lieutenant du génie Durand de Villers commandant le génie.

L’effectif des troupes était : Infanterie, 683 hommes (1er bataillon de la légion étrangère) ; Artillerie, 24 hommes ; Génie, 51

Le matériel de l’artillerie se composait de deux pièces de 12, et de deux obusiers de montagne.

Les bâtiments, partis de Philippeville le 12 mai, arrivèrent devant Gigelli vers le milieu de la nuit du 12 au 13. On tenta de reconnaître de nuit l’entrée du port; mais l’embarcation chargée de cette mission fut entraînée dans l’est par les courants, et il fallut attendre le jour pour s’approcher de la côte. A 8 heures du matin, les bâtiments mouillèrent leurs ancres, et on procéda au débarquement, qui se fit au pied des murailles de la ville sans qu’aucune résistance sérieuse fut opposée par les habitants.

Nos troupes, sans s’occuper de la ville dont une partie de la population, n’ayant préparé aucune défense, avait fui, prirent rapidement, sur la crête des collines voisines, une position qui assurait la possession de la ville et du port.

La correspondance du maréchal de Saint-Arnaud, alors capitaine au bataillon de la légion étrangère qui s’empara de Gigelli, nous fournit, sur cette première journée, quelques détails intimes que nous n’hésitons pas à reproduire ici:

Gigelli, le 14 mai 1839.

Nous sommes à Gigelli, entrés sans coup férir, sans brûler une amorce et après un débarquement des plus maladroits; car si nous avions trouvé de la résistance, nous nous serions fait abîmer. Les barques de débarquement ont touché et sont restées engravées sous le feu de la place. Ennuyé de cette ridicule position, je me suis jeté à la nage avec ma compagnie, nous avons marché quelques toises dans l’eau et avons pris possession de la ville. A peine à Gigelli, j’ai été dirigé en avant de la ville, à environ un quart de lieue, pour prendre position sur une ligne de monticules. J’y ai été reçu par une belle et bonne fusillade qui nous a tué quelques hommes. J’ai de suite fait faire des petits parapets en pierre sèche, en terre et en feuilles de figuier de barbarie pour metlre les hommes à l’abri.

» Toute la journée, nous avons tiraillé et canonné. Les Kabiles se montraient environ cinq ou six cents… On nous en promet cinq ou six mille pour ce soir. La nuit, ils nous ont laissés tranquilles… Au moment où je t’écris, (neuf heures du matin), de grandes colonnes blanches descendent des montagnes et nous promettent un rude combat…

Quelle ville que ce Gigelli, où nous sommes destinés à passer peut-être un an!… Des maisons où notre mère ne mettrait pas ses porcs de Gascogne… Au surplus, nous n’y entrons pas et c’est tant mieux. On fait des redoutes autour de la ville, qui ne tient à la terre que par une langue très-facile à défendre.

 

Extrait : Histoire de Djidjelli, Charles FERAUD, P 227.

Cette publication a un commentaire

  1. Bouchelia

    Je suis intéressé par les biens et les terres qui ont été accaparés par l’armée en 1839 pour les données a des européens a jijel surtout la region de taher et chekfa

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