(13 juillet-30 septembre.)
Lorsque El-Haoussine-ben-Ech-Cherif-Moulaï-Chekfa était venu le 20 juin 1871 prêter son concours au grand maître de l’ordre des Rhamanya, […]il avait été ébloui parla facilité avec laquelle les tribus s’étaient groupées autour de lui. […] quand Chikh-el-Haddad se fut livré au général Saussier, Moulaï-Chekfa se crut de taille et de force à prendre la direction du mouvement insurrectionnel, qui semblait devoir rester sans chef. Son lieutenant et ami Mohammed-ben-Fiala était plus intelligent : il ne partageait pas ces illusions ; mais, comme c’était lui qui avait lancé l’inconscient Moulaï-Chekfa dans cette aventure, il n’était pas homme à s’arrêter en route.
Il continua donc ses menées insurrectionnelles, que favorisait l’absence de troupes entre Collo, El-Milia et Djidjeli. Ces trois points restèrent ses trois objectifs de prédilection, alors que Moulaï-Chekfa, momentanément sous l’empire d’autres influences, aurait préféré agir dans les environs de Mila et du Ferdjioua.
Mais ce côté, depuis le 12 juillet, était bien gardé ; la colonne Vata, portée à 1,700 hommes et passée sous les ordres du colonel Aubry, avait, pour s’éclairer et se renseigner, un excellent goum commandé par le chef du bureau arabe de Constantine, le capitaine Villot, dont l’activité et les capacités étaient bien connues des indigènes de la région.
Moulaï-Chekfa chez les Beni-Khettab et Mohammed-ben-Fiala à El-Aïnseur (13 juillet)
Aussi Moulaï-Chekfa avait quitté Zraïa et s’était retiré dans la montagne des Beni-Khettab, où d’ailleurs il recrutait de nouveaux et nombreux contingents.
Quant à Mohammed-ben-Fiala, il était resté dans les environs de sa zaouïa, et il s’occupait à détruire, dans l’Oued-Zhour, les résultats produits par la présence du chef du bureau arabe de Collo, le capitaine Pont, qui parcourait le pays environnant avec une bonne saga et quelques spahis.
Dès le 13 juillet, Mohammed-ben-Fiala avait près de lui, à El-Anseur, les trois chioukh de l’Oued-Zhour : Braham-ben-Amor, des Beni- bel-Aïd ; Salah-ben-Souilah, des Beni-Ferguène ; Ameur-ben-Rfas, des Beni-Meslem. Autour d’eux s’étaient groupés tous les naïfs, tous les exaltés et tous les mauvais sujets des tribus voisines de l’embouchure de l’Oued-el-Kébir.
Démonstration contre les avant-postes de Djidjeli (16 juillet).
Dès que Mohammed-ben-Fiala eut assez de monde, il envoya un groupe recommencer les hostilités contre Djidjeli, sous les ordres du moqaddem Sid-el-hadj-Larbi-ben-el-hadj-Mohammed-Seddik(1), qui déjà précédemment avait été chargé par Si-Aziz d’une mission dans ce pays. Ce moqaddem essaya, le 16 juillet, d’attaquer les avant-postes couvrant Djidjeli ; mais sa bande fut dissipée et décimée par quelques obus bien dirigés avant qu’il ait pu nous causer le moindre mal.
Les rebelles dans la plaine de l’Oued-Zbour (17 juillet).
Le 17 juillet, Mohammed-ben-Fiala, précédé du drapeau de sa zaouïa et d’une bruyante gheïta(2) qui signalait sa marche, traversait l’Oued-el-Kébir avec un millier de fusils et parcourait les tribus de l’Oued-Zhour, recevant partout les hommages des Qbaïls ; mais, ayant tout à coup vu déboucher d’une crête encore éloignée le chef du bureau arabe de Collo, le capitaine Pont, qu’accompagnaient une nombreuse saga et quelques spahis, il crut avoir devant lui l’avant-garde d’une colonne, et, après s’être arrêté un instant et avoir fait jouer à sa gheïta un morceau des plus belliqueux, il se jeta, avec ses contingents, dans les montagnes des Mchate, et se déroba ainsi à l’attaque dont il était menacé.
Les Mchate, les Djebaïlia, le rejoignirent, et, le 19 , ils allèrent camper avec lui sur la montagne de Tsemfedour, au nord d’El-Milia.
Attaque d’Adjankla et d’El-Milia (20 juillet).
Le 20, il essaya de surprendre le village d’Adjankia et d’attaquer le bordj d’El-Milia, mais le canon et les chassepots le tinrent à distance. Il renouvela son attaque le 21 contre le bordj sans plus de succès que la veille, et eut plusieurs hommes tués ou blessés.
Mohammed-ben-Fiala aux Beni-Tlilène (22 juillet)
Renonçant alors à ces agressions sans résultat, et cédant aux obsessions de Moulaï-Chekfa, il se porta chez les Achech, Beni-Caïd (El- Akbia) et chez les Beni-Tlilène d’El-Ma-el-Abiod, qui, menacés d’être razzés, lui fournirent des contingents. Il envoya alors partout des émissaires avec des lettres disant qu’il allait détruire le chemin de fer et les villages ouverts situés entre Philippeville et Constantine. Quelques- unes de ces lettres furent saisies, et on envoya un fort détachement de zouaves à Bizot ; en même temps la Compagnie P.-L.-M. organisa des trains de wagons blindés pour surveiller la voie.
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1. Il était originaire des Fennaïa de Bougie et avait été arrêté le 28 mars à Djidjeli, sous l’inculpation de menées politiques et religieuses antifrançaises. Il avait été dirigé le 6 avril sur Constantine, s’était échappé en route et s’était réfugié à la zaouïa de Mohammed- ben-Fiala.
2. Corps de musique
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Il paraît prouvé que ces lettres n’avaient été écrites que pour nous donner le change et pour nous amener à retirer des environs de Mila la colonne Aubry : car, au lieu de se diriger vers Bizot, Mohammedben- Fiala, suivant les crêtes des Mouïa, se rendit chez les Beni-Haroun, où Moulaï-Chekfa l’attendait avec les Beni-Ftah, les Beni-Khettab et d’autres contingents. L’intention de ce dernier semble avoir été de renouveler une attaque sur Mila et de piller sur sa route les propriétés et silos que possédaient, sur les azels desBeni-Haroun, les caïds, chioukh, spahis et autres agents au service de la France.
Combat de l’Oued-Cherchar (27 juillet)
Mais la colonne Aubry, bien renseignée par le capitaine Villot, était arrivée aux Mouïa, et, le 27 juillet, au passage de l’Oued-Cherchar, elle rencontrait les contingents de Ben-Fiala, qui pendant quatre heures lui tinrent tête et qui furent culbutés après avoir subi de grosses pertes.
Combat de Nouara ou du Souq-Etnine des Mouïa (29 juillet).
Le 29, à Nouara (au Souq-Etnine, ou marché du lundi des Mouïa), la colonne Aubry avait un nouvel engagement avec les contingents réunis de Moulaï-Chekfa et de Mohammed-ben-Fiala, qui furent cruellement éprouvés et rejetés sur la rive gauche de l’Oued-el-Kébir.
La colonne campa le lendemain à Sidi-Merouane ; Moulaï-Chekfa resta sur la limite du Zouagha et des Beni-Khettab ; Ben-Fiala regagna les Beni-Habibi, et, sur sa route, il dit qu’il allait chercher des renforts. Alors les Beni-Tlilène accoururent à El-Milia s’excuser de l’appui qu’ils avaient été forcés de prêter à Ben-Fiala, et ils se mirent à la disposition du chef d’annexe.
Pendant que ces faits se passaient du côté du Mouïa, les rebelles incendiaient toutes les forêts des vallées de l’Oued-el-Kébir et de l’Oued-Zhour.
Destruction des villages des Beni-Hassène et des Haratine, sous Djidjeli (26 juillet)
Le 26 juillet, on s’était encore battu sous les murs de Djidjeli : la garnison, aidée des goums des caïds réfugiés en ville, avait fait une sortie pour brûler les villages des Beni-Hassène et des Harratine(1), qui étaient le rendez-vous de tous les chefs locaux, et où on signalait la présence de Belgacem-ben-Si-Ahmed, frère de Moulaï-Chekfa.
Surpris par cette attaque, les rebelles n’avaient d’abord fait qu’une faible résistance ; mais, une fois l’opération terminée, quand nos troupes reprirent le chemin de la ville, les contingents des O. Ali, O. Mers, O. Belafou, Beni-Amrane, Beni-Khettab-Gheraba, Beni-Ahmed, Beni- Siar, etc., arrivèrent de tous les côtés sous les ordres de Salah-ben-Chater, Salah-ben -Bouchama, Taïeb-ben-Boutefis. Le combat recommença plus sérieux que le matin : nous eûmes deux tués, dont le capitaine Heurteux, et plusieurs blessés, encore bien que l’artillerie de la place couvrit la retraite et fit beaucoup de mal à l’ennemi.
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1. Les Beni-Hassène, Harratine, Ouled-Mers, O. Ali, sont des fractions des Beni- Amrane-Seflia, comprises dans le douar-commune de l’Oued-Djendjène.
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Départ de Constantine de la colonne Delacroix (2 août).
En ce moment, en effet, et depuis les premiers jours du mois d’août, de Mila à la mer et de Collo au Babor, les indigènes étaient surtout préoccupés des faits et gestes de la colonne du général Le Poittevin Delacroix de Vaubois, nommé le 13 juillet au commandement de la division de Constantine.
Ce général était fort connu des Qbaïls de la région, car, pendant plusieurs années il avait commandé le 3e régiment de tirailleurs, et ses anciens soldats, qui le craignaient beaucoup, lui avaient fait une réputation, d’ailleurs très méritée, d’énergie et de sévérité. Tout le monde savait avec quelle vigueur il avait traité les insurgés de 1864 à l’Oued-Dermel
Quinze jours après son arrivée à Constantine, il avait organisé sa colonne, dont la première brigade était composée des troupes ramenées de Sétif par le colonel Flogny ; le 2 août, il se mettait en route dans la direction de Mila, et envoyait ses instructions au colonel Aubry, qui, campé à Sidi-Merouane, devait former sa deuxième brigade. Le goum du capitaine Villot précédait cette colonne qui, en troupes régulières, avait un effectif de 3,500 hommes, presque tous anciens soldats.
Le 5 août, la brigade Aubry quittait Sidi-Merouane et formait l’aile droite de la colonne, qui marchait vers l’Oued-Endja, où Moulaï Chekfa et Ben-Fiala étaient avec leurs nombreux contingents. Le général Delacroix eut avec eux, dans la journée, un engagement très vif sur l’Oued-Sedj, et il les battit si bien que, le soir, ils venaient au camp d’Aïn-Nekhela faire des offres de soumission.
Ce premier succès, qui fit grande impression dans la vallée de l’Oued-el-Kébir, était encore inconnu à la subdivision de Constantine quand avait été signé l’ordre d’abandonner Bounougha ; sans quoi, il est certain qu’il n’aurait pas été donné.
Quoi qu’il en soit, les conditions imposées aux rebelles par le général Delacroix à Aïn-Nekhela, ayant paru trop dures, ne furent pas exécutées. Moulaï-Chekfa rallia les fuyards, se replia dans la montagne et prit position à Fedj-Beïnem, où il attendit une nouvelle attaque de la colonne.
Le 9, le général marcha, en trois colonnes sur cette position. Celle du centre et celle de gauche (commandée par le colonel Flogny) rencontrèrent une résistance énergique au point de Bahloul et au bois du Bardou, près le col de Beïnem ; nos pertes furent sensibles, mais celles de l’ennemi étaient bien autrement graves. Les positions furent d’ailleurs enlevées avec beaucoup d’entrain, et les rebelles, culbutés, écrasés, furent rejetés dans l’Oued-el-Ouedia(1), près des villages des Beni-Ourtiar.
Prise et destruction des villages des O. Rabah des Beni-Khetab (11 août).
Ce rude et brillant combat n’amena aucune soumission ; Moulaï- Chekfa et Ben-Fiala reformèrent aussitôt leurs contingents chez les Beni-Khettab, et le général Delacroix, « voulant frapper de terreur les populations » et les amener à se séparer des deux moqaddems, brûla pendant trois jours les villages situés sur les deux rives de l’Oued-Itera.
Le 11, le goum et deux bataillons de tirailleurs incendiaient les gourbis et les meules de grain des Ouled Rabah, fraction des Beni-Khettab, qui essayèrent encore de se défendre.
Le 12, une autre sortie détruisait tout dans le Djebel-Errés, malgré le courage déployé par ces montagnards, qui ont, dans le pays, une réputation méritée de bravoure et d’énergie.
Soumission des tribus du Zouagha et de celle du Ouled. Askeur (13 août).
Découragés, et voyant l’inutilité de leur résistance ou de leur fuite, les indigènes de la grande tribu du Zouagha vinrent, le 13 août, faire leur soumission au camp de Fedj-Beïnem.
Ils amenaient avec eux : les 48 otages, désignés par le général dès le 5 au soir ; tous leurs mulets, qui allaient servir au transport de nos vivres et de nos fantassins ; des armes, et enfin un fort acompte sur la contribution de guerre.
Les Ouled. Askeur, bien que n’ayant pas encore été atteints par la colonne, vinrent aussi se rendre à merci, sous la conduite de leur caïd, le malheureux Ayech-ben-Zaïd, dont ils avaient si maladroitement méconnu l’autorité.
Il y avait dans ces deux tribus des Zouagha et des O. Askeur des gens énergiques, et, au fond, peu sympathiques aux personnalités religieuses qui avaient imposé leur direction au pays et avaient amené sa raine. Le général utilisa ces éléments; il laissa armés des groupes entiers, les organisa sous le commandement de chefs improvisés ou provisoirement maintenus, et il les rendit responsables de la défense du Fedj- Beïnem contre les autres rebelles.
Il les prévint qu’en cas de défection ou de simple négligence dans cette défense il ferait sans pitié fusiller les otages et les muletiers qu’il gardait par devers lui.
On savait que ce n’était pas une vaine menace, et les rebelles de la veille gardèrent, pendant un mois, le Fedj-Beïnem avec la correction d’une troupe régulière.
Les Beni-Khettab, Beni-Ftah, Beni-Aïcha, Beni-Habibi, Beni- Ideur, Beni-Afeur et autres, étaient restés auprès de Moulaï-Chekfa et de son lieutenant, groupés autour des villages des Beni-Ourtiar.
Combat de Sidi-Marouf (14 août).
Le 14: août, le général Delacroix dirigea contre ces villages une sortie générale. Les gourbis, quoique bien défendus, ne tinrent pas longtemps devant l’énergie de nos soldats ; leurs défenseurs furent délogés, culbutés dans la rivière et acculés au pied du Djebel-Sidi-Marouf, énorme masse rocheuse dont il leur fallu gravir les parois presque à pic sous les feux convergents de l’infanterie, qui les décimèrent tout en restant hors de portée de leurs balles.Les rebelles perdirent beaucoup de monde à cette affaire de Sidi- Marouf, où nos soldats n’eurent que six blessés, lors de l’assaut des gourbis.
Le lendemain 15, le général porta son camp à Fedj-el-Arba, excellente position dont l’occupation permettait de tourner l’Oued-Itera et de pénétrer par les crêtes chez les Beni-Khettab et les Beni-Ideur. Le soir et le lendemain, toutes les tribus, de Fedj-el-Arba à Djidjeli, y compris les Beni-Ideur, anciens vassaux privilégiés de Moulaï-Chekfa, venaient faire leur soumission au général à Djidjeli.
Le 17 août, la colonne était à El-Aroussa, autre point stratégique non moins bon ; les Beni-Khettab, les Ouled-Ali, les Beni-Aïcha et les Beni-Habibi, se rendaient à merci et étaient désarmés.
Combat du Djebel-Goufi (18 août).
Au camp d’El-Aroussa, le général Delacroix apprit que la Dryade avait débarqué le 11, à Collo, 2,300 hommes de renfort et 170 chevaux. Il donna aussitôt l’ordre au lieutenant-colonel de La Martinière de marcher avec 1,300 hommes et les sagas reconstituées vers le Djebel-Goufi, où étaient concentrés les derniers rebelles de l’Oued-Zhour.
Le 18 au matin, le colonel était attaqué par les Qbaïls embusqués sur les crêtes du Djebel-Goufi. Un bataillon du 80e de ligne et les goums du capitaine Pont enlevèrent les positions, après un engagement très vif dans lequel un capitaine et trois soldats furent blessés. L’ennemi, qui avait laissé 30 cadavres sur le terrain, continua à tirailler inutilement jusque vers le milieu du jour ; ce fut là le dernier acte de résistance dans la région de Collo.
La nouvelle en arriva le 19 au général Delacroix, qui descendait dans la vallée de l’Oued-el-Kébir par Meharka, endroit où il reçut les soumissions des Ouled-Aouat, Taïlman et Ledjenah.
Moulaï-Chekfa et Ben-Fiala se constituent prisonniers à Meharka (21 août).
Le 21, Moulaï-Chekfa et Ben-Fiala, abandonnés de tous leurs contingents, venaient, à ce même camp, se constituer prisonniers. De Collo au Babor, où était encore El-Koreïchi-ben-Sidi-Sadoun, l’insurrection n’avait plus de chef, et, depuis le beau combat du 15 à Sidi-Marouf jusqu’à son arrivée au Babor, la colonne n’allait plus rencontrer d’ennemis. Le 22 août, le général était à El-Milia ; il signifiait aux tribus de la rive droite venues à son camp d’avoir à apporter dans les vingt-quatre heures des sommes à valoir sur la contribution de guerre, des armes et des mulets ; le 23, il était obéi, et il rendait compte au gouverneur général qu’en dix jours, du 13 au 23, il avait fait verser 112,000 francs dans la caisse du payeur, reçu 840 fusils, arrêté 146 otages, et assuré, sans bourse délier, les transports de la colonne avec les mulets des vaincus. |
Camp de l’Oued-Zhour (du 24 août au 3 septembre).
Le 24, la colonne quittait El-Milia et se dirigeait sur l’Oued- Zhour ; en route, elle brûlait les villages des Mchate, qui, contrairement aux ordres donnés, avaient abandonné leurs habitations à la vue des zouaves ; c’était de la peur, et non de l’insoumission, mais le général n’admettait aucune désobéissance.
Le même jour, au Khemis de l’Oued-Zhour, où l’attendait le colonel de La Martinière, il trouva des députations des tribus du cercle de Collo qui déjà avaient fait leur soumission. Il resta quatre jours sur ce point, réorganisa le pays, fit commencer des enquêtes sur les incendies des forêts, et remania les éléments constitutifs de sa colonne, dont il détacha le colonel Flogny pour l’envoyer à Batna.
Passant alors sur la rive gauche de l’Oued-el-Kébir, le général Delacroix alla camper, le 4 et le 5 septembre, au marché de (Souq-el-Khemis) des Beni-Habibi. Là, il imposa aux Qbaïls l’humiliante corvée de démolir eux-mêmes, sous la surveillance de piquets de zouaves en armes, la zaouïa de Moulaï-Chekfa et celle de Sidi-Ouaretz appartenant à Ben-Fiala.
MOULAÏ-CHEKFA et MOHAMMED BEN FIALA
Par : LOUIS RINN
– La colonne à El-Aouna ; soumissions des tribus du Tababort (10 septembre).
– Razzia sur les Beni-Ourzeddine au pays des Beni-Foughal (11 septembre).
– Razzia sur les Beni-Khezeur, Beni-Marmi et Beni-Maad (13 septembre).
– Razzia sur les Beni-Segoual (14 septembre)
– Reddition de El-Koreïchi-ben-Sidi-Sadoun (14 septembre).
– Razzia sur les Alem (20 septembre).
– Razzia sur les Ouled-Salem du Babor (22 septembre) ;
– Soumission des tribus du Babor.
– Arrivée à Saint-Arnaud de la colonne Delacroix (30 septembre)
Le 7 septembre, le général Delacroix était à Djidjeli, où, depuis le milieu du mois d’août, tout était soumis, sauf les tribus touchant le Babor, qui étaient encore groupées en armes autour d’El-Koreïchi-ben-Sidi-Sadoun et d’Amor-ben-Bouaraour.
A Djidjeli, le général apprit qu’il y avait eu encore deux combats livrés sous les murs de la ville au moment où lui-même sortait de Constantine. Le 1er août, en effet, la tribu des Beni-Caïd, qui avait été la dernière à s’insurger, avait fait spontanément sa soumission, croyant que l’arrivée de renforts à Djidjeli allait lui assurer une protection efficace.
Il n’en avait rien été le lendemain même de leur soumission, le 2 août, ils avaient été attaqués par les rebelles, avaient dû évacuer précipitamment leurs villages et se réfugier à Djidjeli. Encore n’avaient-ils pu le faire que grâce à la sortie d’une section de tirailleurs envoyés à leur secours et à l’action combinée de l’artillerie de la place, qui avait dissipé à coups d’obus les groupes de pillards, commandés par Salah-ben-Chateur et par le frère de Moulaï-Chekfa, Belgacem-ben-Si-Ahmed. Ce dernier, qui était venu pour demander des renforts à El-Koreïchi et à Ben-Bouaraour, les avait aidés, le soir même, à brûler les trois villages des Beni-Caïd.
La garnison avait fait, le 3 août, une nouvelle sortie contre les rebelles, qui avaient encore laissé 15 des leurs sur le terrain et avaient emporté de nombreux blessés.
Ce combat avait été le dernier livré sous les murs de Djidjeli, car on avait alors appris la mise en marche de la colonne Delacroix ; Belgacem-ben-Moulaï-Chekfa avait été rappelé par son frère, et El-Koreïchi.
était parti avec Amor-Bouaraour pour le Babor, laissant ainsi toute liberté aux indigènes d’aller faire leur soumission. Ce qui n’avait pas tardé à avoir lieu. Les caïds, les mokhaznya et les Beni-Foughal réfugiés à Djidjeli étaient dans la joie ; ils allaient enfin, avec l’aide de la colonne, pouvoir se venger des gens du Tababort, des khouans et des deux moqaddems cause de leur ruine et de leurs humiliations.
Le 10 septembre, la colonne campait au col d’El-Aouana, et, aussitôt, le malheureux caïd Mohammed-Bouaraour se présentait en suppliant, suivi des délégués de presque toutes les tribus du Tababort ; seuls les Beni-Khezeur, les Beni-Maad et les Beni-Marmi, n’étaient pas représentés. On ne tint aucun compte à l’ancien caïd de sa démarche, non plus que de ses anciens services, et on l’envoya en prison.
Le 11 septembre, les caïds, leur makhzène et les goums, sous la conduite de Belgacem-Benhabilès, firent une sortie vers le col de Selma, sur le territoire des Beni-Ourzeddine et Beni-Yadjés .
Ils tuèrent quelques insurgés et ramenèrent prisonniers Si Brahim Bousoufa, Rabah ben Djebar, Si-Ahmed-ben-Ali-nen-Chekirou, tous trois investis chioukh par Aziz. Le général Delacroix les fit passer par les armes dès leur arrivée au camp. |
Le 13 septembre, le général campait à Dar-el-Oued, et, aussitôt, il lâchait sur les trois tribus récalcitrantes les goums des Benbabilès, qui les mirent à sac, avec l’acharnement d’indigènes ayant à venger leurs morts. Les rebelles eurent 10 hommes tués, et on ne leur laissa ni un gourbi ni un mouton. Cependant, comme dans le goum il y avait des caïds qui n’avaient pas eu de griefs personnels contre les gens du Tababort, on ramena 16 prisonniers. Quand les goums furent rentrés au camp, les trois tribus vinrent faire leur soumission.Le 14, le général était à Ziama; là, il envoya les Beni-Foughal et le makhzène razzer les Beni-Segoual, chez lesquels s’étaient réfugiés El-Koreïchi-ben-Sidi-Sadoun et Amor-Bouaraour.
Le premier de ces deux moqaddems appartenait à une vieille famille maraboutique qui avait longtemps mis son influence religieuse au service des Ben-Achour, seigneurs du Ferdjioua ; il n’avait aucun partisan personnel dans ce milieu kabyle, où sa qualité de moqaddem lui avait donné une autorité passagère; il fut forcé le jour même de venir se constituer prisonnier.
Quant à Amor-Bouaraour, qui était du pays, sinon de la tribu, il alla se réfugier dans les parages tourmentés et mal connus des Alem du Tababort, où il savait trouver des amis personnels et un abri assuré. Sa présence ayant empêché les Alem de se présenter eu général Delacroix et de faire acte de soumission, Belgacem-Benhabilès et les goums furent lancés sur eux, le 20 septembre ; ils les muèrent si bien qu’ils furent ruinés pour plusieurs années ; mais Amor-Bouaraour ne fut pas pris.
La colonne resta pendant deux jours campée à Bine-el-Djebel, entre les deux sommets du Babor et du Tababort.
Le 22 septembre, soutenu par nos troupes, qui, d’ailleurs, ne furent pas engagées, Belgacem-Benhabilès exécuta encore une razzia sur les Ouled-Salem, tribu qui, la première de son commandement, avait fait, défection et qui avait voulu livrer à Aziz sa personne et son Bordj. Cette razzia fut le dernier combat dans la région; toutes les tribus du Babor avaient fait leur soumission et fourni des otages ; un seul chef avait échappé à la répression : c’était Amor-Bouaraour, celui qui, après et avec Aziz, nous avait fait le plus de mal, car c’était à lui qu’incombait l’insurrection de toute la partie occidentale du cercle de Djidjeli(1).
Le général Delacroix traversa ensuite les Dehemcha soumis, et arriva le 30 septembre à Saint-Arnaud, sur la route nationale de Constantine à Sétif. Depuis le combat du 14 août, à Sidi-Marouf, sa colonne, formée de troupes régulières et bien disciplinées, abondamment pourvue de vivres et de moyens de transport, s’était trouvée en présence de populations découragées, apeurées et sans chefs pour les conduire ; il les avait châtiées encore plus qu’il ne les avait vaincues, et le châtiment avait été rude, plus rude même que ne le réclamait la culpabilité réelle ou la résistance de ceux qui avaient eu le malheur de se trouver sur sa route. Toute la, région en demeura terrifiée et ruinée pendant plusieurs années ; mais cela donna au général Delacroix, auprès des Européens, une grande popularité, qui, plus tard, se traduisit par une souscription pour lui offrir un sabre d’honneur.
Source: Histoire de l’Insurrection de 1871 en Algerie, Louis RINN.