Depuis longtemps l’attention du Gouvernement est fixée sur les montagnes qui bordent le littoral entre Dellys et Philippeville. Cette partie du pays était restée en dehors de notre autorité, alors que Sahara algérien, avait reconnu notre domination.
Le groupe de montagnes plus particulièrement connu sous le nom de Kabylie, est habité par une population belliqueuse, mieux armée et mieux organisée pour la résistance que les Arabes, parlant un langage différent, obéissant à des habitudes et à des mœurs qui lui sont propres. Sous le gouvernement turc, les Kabyles avaient toujours échappé à l’action des chefs qui administraient les tribus et jouissaient d’une indépendance complète sinon en droit, au moins en fait.
Les instructions adressées au gouverneur général de l’Algérie dès le 15 mars dernier, lui prescrivaient les premiers jours de mai, une colonne de huit mille combattants pour opérer dans le triangle montagneux compris entre Milah, Djidjelli et Philippeville.
Les ordres du gouvernement étaient à peine connus en Algérie, qu’une vive agitation se déclarait dans les montagnes qui devaient être le théâtre de l’expédition; exaltées par le souvenir des armées turques, qu’ils avaient à diverses reprises taillées en pièces au milieu de leur pays, les Kabyles juraient de disputer le passage à l’armée française.
La ville de Collo elle-même, dont la population s’était jusqu’alors montrée animée de bonnes dispositions notre égard, fut entraînée dans une manifestation hostile contre le commandant supérieur de Philippeville, arrivé dans cette localité sans une escorte suffisante.
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Marche du général de Saint-Arnaud sur Djidjelli
Le général de Saint-Arnaud réunit à Milah une division de douze bataillons, quatre escadrons, huit pièces de montagnes (huit mille hommes). Ces forces étaient organisées en deux brigades, l’une sous les ordres du général de Luzy, la seconde commandée par le général Bosquet.
Pour se porter à Djidjelli, la division avait a traverser un pays de montagnes abruptes, sans routes et dans la majeure partie duquel jamais soldat français n’avait pénétré; il lui fallait lutter contre l’énergie de tribus qui croyaient encore à l’inviolabilité de leur territoire. Le général se mit en mouvement le 8 mai il était attendu par les Kabyles au passage de l’Oued-Enja, chez les Ouled-Askar.
Le 11 mai, nos troupes devaient descendre du Fedj-Beïnem, en vue de l’ennemi jusqu’au fond du ravin dans lequel coule l’Oued-Enja, dont le lit est à quatre cents mètres au-dessous du niveau du Fedj elles avaient ensuite à gravir sur la rive gauche une pente escarpée dominée par des villages retranchés. Trois colonnes s’avancent avec audace et enlèvent les retranchements en passant sous le feu plongeant du gros village de Kazen; elles poursuivent l’ennemi jusqu’aux trois cols des Ouled-Askar, d’ou elles commandent la position. Le général Saint-Arnaud établit son camp à El-Aroussa.
L’ennemi éprouva des pertes nombreuses dans cette affaire, qui dura depuis sept heures du matin jusqu’à la nuit; mais le succès fut acheté au prix de deux officiers et seize soldats tués, et de cent blessés, dont sept officiers.
La journée du 12 fut employée par les généraux de Luzy et Bosquet à opérer contre les villages des Ouled-Askar et des Ouled-Mimoun. Les Kabyles opposèrent une vive résistance à tous les mouvements de nos troupes.
Le 13, la division avait à parcourir un pays très difficile. Le convoi suivait un sentier étroit, bordé de taillis épais et dominé par des positions que l’infanterie occupait successivement pour protéger la marche.
Des engagements très-vifs, ou nous avions constamment l’avantage, avaient lieu en tête, en queue, sur les flancs, quand un incident malheureux vint inopinément doubler les pertes de la journée. Deux compagnies de grenadiers du 10e de ligne avaient remplacé, sur une position escarpée et couverte de bois, deux compagnies du 16e léger.
Assainies à l’improviste par trois à quatre cents Kabyles qui s’étaient approchés sans être aperçus, elles sont précipitées du haut des rochers. Les cinq officiers et quarante trois hommes sont tués; soixante sous-officiers, caporaux ou soldats sont blessés. Un bataillon du 9e de ligne, accouru au bruit de l’engagement, ne recueille que les débris des compagnies et ne reprend la position qu’au prix de neuf blessés et de quatre tués. Les troupes s’étaient battues tout le jour avec’ un grand courage. Les pertes réunies de la journée s’élevèrent à six officiers et soixante soldats tués, et à cent vingt-quatre blessés.
Le 14 mai, la division combattant sans cesse comme la veille, continua de descendre par des sentiers impraticables vers l’embouchure de l’Oued-el-Kébir (qui n’est autre que le Rumel).
Les Kabyles redoublaient d’efforts; c’était non loin de ces terrains si profondément tourmentés que l’armée du bey-Osman avait été complétement détruite vers 1804, ils avaient annoncé un pareil désastre pour nos troupes.
Mais aucune difficulté de terrain, aucune position escarpée, aucune fatigue ne surprit ni ne lassa nos soldats, l’ennemi fut partout repoussé. On était sorti du massif montagneux le pays réagissait, on entrait dans la plaine.
Dans la marche du 15, les bataillons qui furent chargés d’attaquer les plus beaux villages des deux rives de l’Ouedel-Kébir, ne rencontrèrent qu’une faible résistance. Le 16, la colonne bivouaquait sous les murs de Djidjelli. Cette longue et pénible marche pendant cinq jours consécutifs, au milieu d’un pays inconnu, à travers des tribus nombreuses et réunies en armes, n’amena pas de résultats ostensibles. Le général de Saint-Arnaud, pressé de déposer ses blessés Djidjelli et de s’y ravitailler, n’avait pas eu le temps d’obtenir des soumissions; mais le moment approchait où nous allions recueillir le fruit de ces premiers efforts.
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Opérations au sud et à l’ouest de Djidjelli
En effet, le 19, le générât de Saint-Arnaud était parti pour Djidjelli et avait dans la matinée établi son camp au milieu de la tribu des Beni-Amran. Après quelques heures de repos, dix bataillons sans sacs, toute la cavalerie et l’artillerie prirent les armes pour assaillir les masses de Kabyles qui se montraient sur les hauteurs à deux kilomètres et à gauche du camp. Toutes les positions furent enlevées, et l’ennemi poursuivi pendant plus de deux heures, éprouva de grandes pertes la cavalerie sabra bon nombre de fuyards. Un succès plus important encore devait récompenser le lendemain la bravoure et la persévérance de nos soldats.
Les Kabyles couronnaient en face, a quatre kilomètres du camp français, une crête boisée, longue de deux kilomètres; leur gauche s’appuyait à un ravin profond et escarpé à leur gauche, la ligne des crêtes s’abaissait par mamelons étagés jusqu’à un col de facile accès, par lequel la cavalerie pouvait tourner toute la position et arriver par derrière au ravin de gauche.
Au signal d’un coup de canon, la cavalerie, masquée par un pli de terrain et par tes bois, s’élance au galop, sabre tout ce qu’elle rencontre, gagne le col qui vient d’être décrit et arrive sur le bord du ravin, derrière la gauche de l’ennemi, pendant que l’infanterie l’aborde de front avec impétuosité.
Les Kabyles rejetés de leur droite à leur gauche, tournés par la cavalerie, s’entassent dans le ravin sur le bord duquel les tirailleurs, formant l’extrême droite de là ligne française, les ont devancés malgré les difficultés du terrain. Fusillés à bout portant par nos intrépides fantassins, à travers les rochers et les broussailles, trois ou quatre cents Kabyles restent sur la place sans autre perte de notre côté que trois hommes tués et six blessés. Les résultats de ces brillants combats ne se firent pas attendre dès le lendemain, le général de Saint-Arnaud recevait la soumission des Beni-Ahmed, des Beni-Khetab et des trois grandes fractions des Beni-Amram.
La journée du 21. fut employée à faire reposer les troupes; les malades et les blessés. furent évacués sur Djidjelli et le lendemain 22 la division continuait sa marche, sans rencontrer d’autres difficultés que celles qu’opposait le terrain. Elle arriva à Tibairen, le 2 mai.
Le lendemain 25, le général Bosquet se sépara de la colonne pour aller rejoindre le général Camou sur la route de Sétif à Bougie. Le général de Saint-Arnaud établissait, le 26 mai, son bivouac au milieu des Beni-Foughal et, sans perdre de temps, il attaquait le même jour les rassemblements qui s’étaient formés à son approche et s’emparait de quelques villages.
Le lendemain 27, les Beni-Foughal et les Beni-Ourzeddin venaient faire leur soumission, après avoir essayé de lutter encore dans un second engagement, où nous leur tuâmes beaucoup de monde, sans pertes de notre côté.
A dater de ce moment la colonne n’eut plus un coup de fusil à tirer jusqu’à son arrivée à Djidjelli, le 2 juin. Sur son passage, les Kabyles ne quittaient plus leurs habitations; ils s’empressaient autour de nos soldats pour demander l’aman et donnaient des otages. Toutefois, quelques tribus situées à extrémité ouest du cercle de Djidjelli et chez lesquelles nous n’avions pas pénétré, s’étaient contentées de faire des promesses qui ne se réalisèrent pas; Après avoir donné quelques jours de repos à ses troupes, le général de Saint-Arnaud entrait de nouveau en opération le 5 juin, pour se porter à l’ouest, et obtenir raison des tribus qui croyaient en être quittes pour des promesses mensongères.
Le 9 juin, il avait avec les Beni-Aïssa un engagement qui décidait de leur soumission le 10, il bivouaquait chez les Beni-Maad, tribu considérable où il trouva réunis tous les contingents des Ouled-Nabet, Ouled- Ali et Beni-Marmi. Les Kabyles couronnaient les hauteurs et occupaient les positions les plus dinicites ces positions furent succe-ssivement enlevées. Après deux jours de combats, les Beni-Maad et les Beni-Marmi arrivèrent à composition.
Le 12 juin, la division marchant sur Ziama rencontra les contingents des Ouled-Nabet et des Beni-Seghouat, paraissant vouloir lui disputer le passage du col qui sépare les bassins de l’Oued-Mansouria et de l’Qued-Ziami. Les tirailleurs indigènes abordèrent franchement la position et les Kabyles netinrent pas. Le soir du même jour, les Ouled-Nabet et les Beni- Seghoual faisaient leur soumission. Cet exemple était suivi le lendemain par les Beni-Bou-Youcef, qui relèvent de Bougie. Toutes les tribus de la partie ouest du cercle de Djidjelli étant ainsi soumises, la place débloquée, le pays ayant reçu son organisation, rien ne retenait plus de ce côté le général de Saint-Arnaud, qui rentra à Djidjelli. le 16 juin pour se diriger vers l’est afin de terminer sa tâche laborieuse.
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Opération à l’est de Djidjelli
Le 18 juin, le générât Saint-Arnaud continuait ses opérations. Il bivouaquait le 19 chez les Beni-Ider et avait avec eux un premier engagement qui nous coûta un homme tué et dix blessés. Les Kabyles vivement poursuivis perdirent une quarantaine des leurs.
A dater de ce jour, la colonne eu constamment devant elle les contingents qu’elle avait déjà combattus dans sa marche de Milah à Djidjelli. Les Beni-Ider, les Beni-Habibi, les Outed-Aïdoun, les Ouled-Aouhat, les Qued–Askar, les Beni-Meslem, les Beni-Fergan, les Beni-bet-Aïd, les Ouled-Atia, les Beni-Toufout sont les principales tribus qui chaque jour viennent disputer le passage a notre armée. Elles luttaient jusqu’au moment de leur soumission, et chaque soumission obtenue affaiblissait l’effort de la résistance sans diminuer l’ardeur et l’acharnement du combat.
Le 21, la colonne alla bivouaquer au Tahar, position militaire qui domine le pays des Ouled-Askar, la vallée de l’Oued-el-Kébir et une grande étendue de pays. L’avant-garde et l’arrière garde furent seules engagées pendant cette marche. Mais arrivés au bivouac quelques bataillons sans sacs, tancés sur l’ennemi, le poussèrent très-toin, et le même jour toutes les fractions des Beni-lder venaient faire leur soumission.
Le 22, les contingents des tribus voisines se réunirent et se montrèrent sur les crêtes en vue du camp. C’était une simple démonstration, quelques bataillons suffirent pour les chasser de leur position qu’ils abandonnèrent sans résistance. Au soir, les Beni-Mamer et les Beni-ftah se rendirent au camp, et le lendemain les Outed-Askar demandèrent l’aman.
Le 24 juin, la colonne se montra chez les Beni-Habibi, où elle fut accueillie à coups de fusil. Quatre bataillons aux ordres des lieutenants-colonels Espinasse et Perigot prirent aussitôt l’offensive et se rendirent promptement maîtres des villages mais à leur retour au camp ils furent suivis par les Kabyles qui payèrent cher leur audace.
Sept bataillons sans sacs, enlevés avec une grande énergie par le général de Luzy, fondent sur eux, et sans les laisser respirer un moment, les poursuivent la baïonnette dans les reins. Plus de deux cents cadavres restèrent sur le terrain. Nous eûmes de notre côté six hommes tues dont un officier et vingt et un blessés. Cette vigoureuse action dans laquelle le général de Luzy fut parfaitement secondé par le colonel Marutaz et les chefs de bataillon Bataille et Lenoir, nous valut la soumission des Beni-Habibi, chez lesquels la colonne séjourna le 25 pour régler leurs affaires.
Le générât de Saint-Arnaud descendit le 26 de Tabenna à Kounar, sur le bord de la mer, pour prendre un ravitaillement que lui apportait la corvette à vapeur le Titan. La distance à parcourir n’était que de seize kilomètres, mais le pays était très difficile et le sentier suivi par nos troupes sur l’arête d’un contrefort tellement étroit, qu’on était obligé de défiler par un.
L’ennemi ne se montra pas d’abord, le généra avait reçu des otages des tribus dont il parcourait le territoire et tout annonçait une marche pacifique, quand tout à coup l’arrière-garde, aux ordres du colonel Marulaz, fut assaillie par trois mille Kabyles avec une sorte de fureur.
Repoussés, ils reviennent à la charge: on se mêlait, on se battait corps à corps avec ces intrépides montagnards. Le terrain est disputé pied à pied et ce n’est qu’après plusieurs retours offensifs, vigoureusement conduits par le lieutenant-colonel Espinasse et le chef de bataillon Picard, que t’arrière-garde parvint à décider la retraite des Kabyles. L’ennemi laissa plus de cent vingt cadavres sur le terrain, le chiffre de ses blessés dépassait deux cent cinquante mais de notre Côté, nous avions des pertes sensibles, vingt-huit hommes et deux officiers tués, et cent cinq blessés dont deux officiers.
On sut, depuis, que les contingents de quatorze tribus avaient été réunis par un Arabe de Collo, fils d’un caïd sous la domination des Turcs, et qu’il avait dû user de violence pour forcer les Beni-Habibi à marcher contre nous. Toutefois, cette sanglante affaire compléta les résultats obtenus par les combats précédents; les Ledjennah et les Beni-Salah vinrent demander l’aman. Toutes les tribus du cercle dë Djidjelli ayant fait acte de soumission, le général de Saint-Arnaud se porta sur là rive droite de t’Oued-et-Kébir pour continuer sa rude mission dans lè cercle de Collo.
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Marche du géneral de Saint-Arnaud sur Collo.
Il était le 1er juillet à Bou-Adjoul, chez les Bel-Aïd, dont il trouva les contingents en armes. Nos troupes divisées en plusieurs colonnes les attaquèrent aussitôt avec leur vigueur accoutumée, les rassemblements furent bien vite dispersés, une quarantaine de Kabyles furent tués. Cette action nous coûta deux hommes tués et quinze bléssés. Lè lendemain, on pénétrait chez les Beni-Meslem, tribu nombreuse dont les villages étaient défendus par quinze cents fusils. L’ennemi paraissait vouloir opposer une résistance sérieuse mais après un engagement de courte durée, qui fut signalé, comme les précédents par des actes de bravoure, les Beni- Meslem vinrent offrirént le payement de l’impôt.
Dans la nuit qui suivit; le général de Saint-Arnaud fut attaqué dans son camp par des contingents des Ouled-Aïdoun, Ouled-Attia, Ouled-Aouat. Nos troupes furent admirables de calme et de sang-froid les dispositions du combat furent aussitôt prises et avec le plus grand ordre. On laissa l’ennemi s’approcher jusqu’à dix pas et après une décharge meurtrière faite presqu’â bout portant, la compagnie du capitaine Lasalle, des chasseurs à pied, s’étança à la baïonnette sur les Kabyles que se retirèrent précipitamment en laissant un douzaine de cadavres entre nos mains.
Le 4, la division se porta chez les Djebala qui. couronnaient les crêtes et se montraient disposés à défendre leurs villages. Deux colonnes légères sont aussitôt formées, les positions de l’ennemi sont enlevées au pas de course et les Kabyles chassés de leurs villages, poursuivis dans toutes les directions.. Cette action, qui coûta huit hommes tués et quinze blessés, décida la soumission immédiate des Djebala et des Beni-Fergan.
Le général Saint-Arnaud se porta le 6 chez les Mechat, où il trouva encore de nombreux rassemblements qu’il fallût disperser à coups de fusil chaque tribu voulait avoir sa journée de poudre, et ne se rendait que bien convaincue de l’inutilité de la résistance. Les troupes avançaient lentement dans le pays, frappant les tribus les plus fortes, choisissant lés positions centrales pour rayonner dans tous les sens, descendre sur l’ennemi, le harceler sans cesse, le vaincre et le dégoûter de la résistance.
Avant de pénétrer dans le massif de Collo, le général fit venir des vivres de Milah sous la protection de cinq cents hommes d’infanterie et des goums, il évacua sur cette ville ses blessés et ses malades. Ces quelques jours de repos furent employés à peser sur les tribus, qui, nous voyant maîtres du pays, fatiguées d’être battues et chassées à travers les contrées les plus tourmentées renoncèrent enfin à la lutte.
Les Ouled-Aïdoun, les Ouled-Ali, les Ouled-Aouat, les Beni-Aïcha, les Beni-Khetab-Cheraga et les Ouled-Askar, une des plus puissantes tribus de Zouaga, reconnurent notre autorité.
La division quitta le 12 juillet son bivouac d’El-Milia pour marcher sur Collo.
Dans cette journée, les villages de la seule fraction des Ouled-Aïdoun restée insoumise furent attaqués. Les spahis, soute nus par le 20e de ligne et les zouaves, ont pu dans cette action joindre le gros des Kabyles et leur faire beaucoup de mal. Un cheick influent qui était à la tête de l’opposition contre les Français a été tué.
Le 13 juillet, le chemin à parcourir était long et difficile il fallait marcher plus d’une heure dans le lit de l’Oued-Yzougar, occuper des positions au milieu des rochers, sur des pics élevés.
Les Ouled-Aîdoun insoumis, les Beni-Toufout de la montagne, les Ouled-Attia, les Beni-lshak, les Achach, avaient réuni six cents fusils pour disputer le passage. Un combat dans un pareil terrain ne pouvait avoir d’avantage décisif. Le général amusa les Kabyles par une fusillade de flanc dans laquelle les chasseurs à pied ont montré beaucoup d’adresse, et taisant tête de colonne à droite, il engagea toute sa colonne sur les crêtes et il redescendit sur l’Oued-Driouat, affluent de l’Oued-Guebli, où il établit son bivouac. Nous n’avons eu a regretter qu’un homme tué et huit blessés.
La colonne bivouaqua le 14 à El-Hamman et le 15 sous Collo.
Le 16, deux colonnes légères aux ordres des lieutenants colonels Espinasse et Périgot furent lancées contre les villages des Achach en exécutant cete opération elles tuèrent une trentaine des plus intrépides défenseurs.
Le 17, deux colonnes furent encore mises en mouvement. Pendant que le lieutenant colonel Espinasse, avec trois bataillons, cinquante chevaux, deux obusiers, maintenait les Achach, quatre autres bataillons conduits par le colonel Marulaz recevaient mission de pénétrer chez les Beni- Ishak.
Ils enlevèrent d’abord les quatorze villages des Beni-lshak, puis ils se trouvèrent en face d’un rassemblement de sept cents fusils environ. Ce rassemblement tint contre l’artillerie et la mousqueterie dans une bonne position. Le signal de l’attaque est donné aussitôt les zouaves, le 20°, les tirailleurs indigènes, la légion étrangère, s’élancent au pas de course et abordent vigoureusement l’ennemi. Les Kabyles cherchent leur salut dans un ravin profond; mais la cavalerie, à la tête de laquelle charge le commandant Fornier, leur coupe la retraite et les arrête. Les Kabyles maintenus dans le ravin tombent sous nos coups; cent d’entre eux y perdent la vie.Malheureusement le commandant Fornier a été tué roide dans la charge.
C’était un officier brillant et plein d’avenir. Nous n’avons eu que cinq blessés. Le résultat de ces deux journées a été d’amener là soumission des Achach. Pendant ces opérations, Collo était entouré d’ouvrages en terre par le reste des troupes; le kaïd était changé et le successeur pris dans une famille influente chez les Aïchaoua. Collo était rentré dans lé devoir, les Achach étàient soumis, tes Aïchaoua étaient neutralisés par l’influence du nouveau kaïd de Collo, les Beni-lshack étaient terrifiés par l’exécution faite contre ‘leurs villages et la perte d’un grand nombre des leurs.
Le soleil brûlant d’Afrique pesait de toute son ardeur sur une colonne fatiguée par trois mois de marches et de combats. Le générât à dû cesser ses opérations et renvoyer les troupes prendre dans leurs garnisons un repos chèrement acheté. I1est intéressant. Monsieur le Président, de noter que ces opérations si importantes qui ont soumis à la France quarante nouvelles tribus, qui ont été compliquées encore par les mouvements qu’il a fallu faire dans le cercle de Bougie, qui se sont prolongées jusqu’à l’époque des plus fortes chaleurs, n’ont cependant nécessité ni accrôissement d’effectif ni augmentation de dépenses.
La conquête de la Kabylie orientale est accomplie, les troubles qui surviendraient à l’avenir n’exigeront plus des efforts aussi longs et aussi sérieux pour être comprimés.
Je ne terminerai pas ce rapport, Monsieur le Président, sans signaler à la reconnaissance du pays les nouveaux titres que nos braves soldats de l’armée d’Algérie viennent de conquérir. Dans cette série d’opérations de combats livrés sur un terrain toujours difficile, un ennemi ardent et acharné, la colonne commandée par le général de Saint-Arnaud qui a tenu la campagne pendant quatre-vingts jours, a parcouru six cent quarante kilomètres; elle s’est mesurée vingt-six fois contre l’ennemi et l’a vaincu dans toutes les rencontres.
Treize officiers ont été tués, quarante-deux blessés; cent soixante-seize sous-officiers, caporaux ou soldats ont trouvé la mort sur le champ de bataille et sept cent quarante et un ont été blessés.
De ces derniers, beaucoup sont rentrés ou rentreront bientôt dans le rang. C’est environ un homme tombé sur huit, proportion peu ordinaire et qui, en témoignant de l’ardeur de la défense, place bien haut la valeur de nos soldats.
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RAPPORT DU GENERAL RANDON, MINISTRE DE LA GUERRE,
AU PRINCE PRÉSIDENT DE LA REPUBLIQUE,
SUR L’EXPÉDITION DE KABYLIE.
Lettres du maréchal de Saint-Arnaud (1832 – 1854), T.2, P.507.